bouche en cœur le regard droit (elliott)

le souffle erratique, le coeur qui bat la chamade et l'âme endormie, paisible - les remords ne s'entassent pas. n'existent d'ailleurs tout simplement, pas, chez antoine. cet être simplet se conjugue au présent, fait fi du passé et du futur, s'illustre parfaitement sur les toiles vivantes. n'est pas vraiment fait pour les photographies où il est toujours flou. d'ailleurs sa présence sur les caméras de surveillance est anarchique dès l'instant où il entre dans le lieu, emmitouflé d'un pull aux couleurs louches et à la laine effilochée. mamie lui a souvent dit de cesser de porter ce vieux pull, qu'elle lui en ferait un nouveau - mais antoine s'y accroche fermement. le lave encore et encore, en étire les mailles pour le sécher avant de le renfiler.

antoine pue la vie qui ne connaît pas la sobriété : un mélange louche de bière séchée sur ses vêtements et de beuh qui s'accroche à ses cheveux et au tissu de son jean, plus une vague odeur de déodorant trop insistant pour dissimuler quelconque transpiration - en plus d'être un capharnaüm visuel, et auditif - même son existence olfactive ne peut qu'outrer les esthètes. fuck. fuck. fuck. il répète à voix basse. mamie lui a demandé d'acheter des yaourts pour ce midi, il est dix heures passé - trop tard pour la vieillesse, trop tôt pour la jeunesse. il n'y a presque personne dans la supérette.
pire encore, il est dix heures passé et s'il rentre chercher de l'argent, il n'aura pas assez de temps pour faire l'aller-retour. insouciant (trop, peut-être), il récupère les pots en verre bonne maman qui s'accumulent dans les rayons et glisse sans crainte jusqu'à la caisse. elliott !!! le ton est particulièrement amical, il écarte même les bras : son sourire est excessivement sincère, car il a excessivement besoin qu'il lui rende service. jamais il ne pense à mal et il identifie, bien que difficilement, la gêne perpétuelle entre eux. rien n'est comme quand ils avaient huit ans. ouais j'suis grave désolé pour l'autre soir où j'ai sonné chez vous en étant dé-chi-ré... il tourne la tête, se gratte la nuque, dépose les yaourts, sourit encore, tout gêné, tout composé. il mâche un chewing-gum saveur menthe qui traînait dans la poche de son pantalon et qui a subi un passage à la machine à laver, toutefois encore emballé durant cette péripétie. t'vois euh, ça te dérange pas de m'avancer ces yaourts tu dis ? en plus du camembert de la dernière fois, et des paquets de pâtes, et de la brioche... il le regarde du coin de l'oeil, continue de se gratter frénétiquement la nuque. il est ailleurs, déconnecté. remet sa veste militaire mille fois recousue correctement sur ses épaules. steuplé ?