#256

Arrivée : 20/12/2020

Olivier aime la forêt.

surtout cette forêt qu'il connait depuis son enfance, la grand forêt domaniale, où il passait ses journées.

quand la maison devenait trop étouffante, que les reproches silencieux de ses parents pesaient trop et rendaient l'air si vicié qu'il devenait vite irrespirable. quand, enfant, il voulait tout laisser derrière lui, rien qu'une après-midi, rien qu'une journée... il partait toujours par le jardin, dans le trou de la haie, où l'un des arbres refusait de pousser à nouveau, et se dirigeait presque toujours vers la forêt.

à chaque fois qu'il marche sur le tapis de feuilles mortes familier, qu'il ai 17 ou 37 ans, il écoute les oiseaux perchés dans les branches qui appellent leurs congénères,
les petits lézards qui se faufilent sous les feuilles qui tapissent le sol,
les petits mammifères, au loin, qui se préviennent de la présence de l'intrus qui avance sereinement dans son uniforme vert sapin.

ses lourdes bottes s'enfoncent légèrement dans le sol, les bois sont encore un peu boueux, il a plu la veille et toute la nature n'a pas encore eu le temps de sécher. on sent encore un peu l'humidité dans l'air et l'odeur de l'humus emplit les narines de quiconque s'approche de la forêt. même s'il reste quelques heures d'ensoleillement, les sous-bois s'assombrissent progressivement.

c'est l'une des heures préférées d'Olivier,
mais il sait aussi qu'il devra bientôt rentrer, et redoute de retourner dans sa maison toujours aussi propre et vide.

il devra entrer dans la cuisine un peu froide, car personne d'autre que lui ne l'occupe, et l'idée même que seuls ses volatiles l'attendent l'attriste un peu.

il s'efforce de profiter du temps qui lui reste sans penser à la soirée qu'il voudrait déjà éviter.
oh, il pourrait toujours aller dans un des bars de la ville d'à côté, pour changer un peu... mais pour l'instant, il se concentre sur le sentier qui s'étire en une grande ligne droite dont on ne peut voir le bout à cause du relief, sur la façon dont les petits gravillons crissent sous ses pieds et la fuite frénétique des insectes face à ces tremblement qui leur semblent titanesques.

et puis, au bout du chemin, une silhouette.
deux silhouettes, en fait,
deux silhouettes qu'il connait un peu trop bien.

parfois, quand Olivier reconnait des villageois, il rebrousse chemin. enfonce sa tête dans ses épaules et fait la sourde oreille s'il entend son nom appelé au loin. mais cette fois, au contraire, il allonge bien l'allure, mais en direction de l'homme, et dès qu'il est assez proche pour se faire entendre, il l'appelle d'un ton presque enjoué :

eh, le doux !

il lui sort le grand jeu, c'est à dire : un grand sourire charmeur.
c'est tout ce qu'il a à offrir, malheureusement.

tu t'es perdu ?

il sait bien que non, mais c'est la seule phrase d'accroche qu'il a trouvé, et tant pis si c'est bidon.
ici, au moins,
il se sent dans son élément.

et même si cette rencontre ne dure qu'un bref instant, il aura chassé la solitude quelques courtes minutes.

Arrivée : 20/01/2021

Il aurait pu aller au parc, en vérité.

Quand il entend ta voix, Melvin a l'impression soudaine et désagréable que les arbres se resserrent entre vous, comme si un piège venait de se refermer.
(il faut reconnaître
qu'il a sauté dedans à pieds joints)

L'Olivier n'est pas un arbre qu'il espérait croiser dans cette forêt. Sans doute aurait-il du aller au parc ; Ah ! c'est bien la faute du chien, ça.

Aussi reste-t-il planté là, les mains réfugiées dans sa veste en cuir marron, à espérer se fondre parmi les troncs pour que tu passes devant lui sans le remarquer, sans t'arrêter à ses côtés pour lui offrir de ces sourires dont il ne veut plus. Il ne sait plus quoi en faire, de ton sourire ; il le connait, celui-là, il l'a déjà vu. Et il n'en veut pas.

Pas aujourd'hui, ni demain, ni dans une semaine. C'est fini tout ça, tu sais, et pour de bon cette fois-ci.

C'est Fougasse qui se jette un peu sur toi quand tu t'approches, te tourne autour, pour voir s'il peut négocier quelques caresses s'il se montre assez joueur. Il plisse les yeux, Melvin, se pince les lèvres, un peu perplexe.
(traître,
il ne peut s'empêcher de penser)

– Monsieur Dubois, vous ici ? qu'il articule en détachant chaque syllabe d'un ton oscillant entre taquinerie et agacement.

Et il s'efforce de rester détaché, de ne pas te sourire même si la politesse l'ordonne. Ça ne fait aucun sens d'être aussi formel avec toi, il n'est pas dupe, mais il a besoin d'y croire tu sais ; croire qu'il a un semblant de contrôle sur votre relation en dents de scie.

– Tu me crois vraiment assez con pour me perdre en suivant un sentier ?

Il aurait aimé avoir l'air irrité par la remarque, mais il n'y arrive pas vraiment ; c'est toujours doux, et la question parait vraiment sincère en réalité. Est-ce qu'il est capable de se perdre sur un sentier ? Est-ce que c'est seulement possible ?

Le dernier endroit où Melvin souhaite se perdre, c'est encore ta forêt.

– Tu fais quoi ici ? Tu rentres pas normalement à cette heure-ci ?

Pas qu'il en sache grand chose, en réalité. Il ne sait pas ce qu'il dit, ni ce qu'il cherche à dire, à ce stade ; toute cette situation, vous deux, ça l'achève à chaque fois. Alors il recommence à marcher, en se demandant pourquoi faut toujours que ça finisse comme ça.

(et s'il était un peu plus honnête,
peut-être qu'il admettrait l'avoir un peu cherché)

Arrivée : 20/12/2020

Olivier aime la forêt,
surtout quand il croise quelqu'un qu'il aime bien.

il adore le ton faussement étonné de Melvin,
sa façon d'articuler,
de dire "vous ici", comme si c'était un scoop, que le garde forestier patrouille dans la forêt tous les jours.

pour éviter son bureau étroit et détesté, avec ce foutu ordinateur, et les mails pourris de son chef de district, et dieu merci qu'internet a décidé d'être en panne pour ne plus avoir à lui répondre. heureusement qu'il peut faire semblant de ne pas capter de réseau téléphonique dans la forêt pour ignorer ses appels.

et heureusement qu'il y croise Melvin Ledoux,
ce soir là,
alors qu'il se sentait particulièrement seul.

et son chien aussi, une bête adorable, qui s'approche tout de suite de ce nouvel arrivant, et Olivier lui offre quelques caresses derrière les oreilles, le regard attendri par cette affection offerte aveuglément, presque sans condition.
si seulement ça existait autrement qu'avec des animaux...

mais non, les relations humaines sont trop complexes, et son interlocuteur le prouve, avec cette politesse forcée, cette nouvelle distance,
et ça l'amuse beaucoup, à vrai dire,
tout comme cette remarque qui laisse entendre qu'Olivier oserait insulter à ce point l'intelligence du doux officier. car oui, l'homme qui a l'honneur de partager occasionnellement ses draps - car c'est évidemment un honneur - est toujours doux, et c'est peut être ce qui fait qu'Olivier tient toujours tant à le revoir, malgré les esquives constantes de l'intéressé.

mais ces esquives font partie du jeu, de leur jeu, alors Olivier s'y plie de bonne grâce.

non, je suis juste inquiet. imagine, si tu te perdais... quelle perte pour Saint-Cley.

et il se cache derrière l'humour, mais il serait vraiment attristé.
il se sentirait vraiment beaucoup plus seul (et triste), sans lui. le simple fait de l'imaginer, d'imaginer perdre encore quelqu'un, et quelqu'un qui semblait presque le supporter, ce qui est assez rare pour être souligné... ce simple fait l'attriste assez pour qu'il offre une réponse honnête :

mmh, qu'est-ce que je fais sur mon lieu de travail... ? ... allez, je taquine. en vrai, oui, j'allais y aller, mais je reconnaitrais ta silhouette même dans l'obscurité.

il ne termine pas tout à fait de s'expliquer, mais il pense que c'est facile à deviner.
il allait rentrer tout seul, un peu plus misérable que la veille, et prêt à se détester encore assez ce soir là pour ramener chez lui la première personne qui le souhaite, même une femme, pour essayer de lever les soupçons de son voisin un peu trop curieux. juste de quoi réchauffer son lit avant qu'il ne s'endorme dedans,
juste de quoi remplir les couloirs désespérément vides qui l'attendent dans à peine quelques heures.

il a vraiment de la chance,
de tomber sur Melvin.

je suis content. que ce soit toi.

Arrivée : 20/01/2021

Quelle perte, ah, ça oui.

Il ne relève pas car il ne sait pas trop quoi répondre, se contente d'un éloquent soufflement de nez. Il ne se sent pas d'humeur assez orgueilleuse pour penser que sa présence à Saint-Cley est tout à fait indispensable, quand bien même il fait partie des meubles depuis des années ; mais, au fond, l'idée le touche un peu.

Cette histoire de silhouette dans l'obscurité, ça lui coupe la respiration, pendant une seconde. Mais vite, il se reprend ; tu ne l'auras pas avec des sous-entendus grivois, pas aujourd'hui. Ni demain.

– Ah, ouais. T'as de bons yeux pour ton âge.

Il a un peu envie de rire, mais se retient pour ne t'apporter aucune satisfaction ; il fait comme s'il ne comprenait pas ce que tu insinues, mais au fond il sait car la tienne aussi de silhouette il ne la reconnait que trop bien, trop par cœur, sous tes vêtements épais il la distingue, pour l'avoir tracée et retracée dans le noir et-
c'est fini, tout ça, de toute façon. Pourquoi admettre comprendre une vérité aussi simple, à quoi bon ; c'est du passé.

Il se sent comme un insecte sur le point de s'empêtrer dans le miel de tes mots ; du mieux qu'on peut, on garde le cap. Ne plus se laisser être ébranlé par quelques beaux discours. Il les a entendus trop souvent tu sais, de ta bouche, de leurs bouches ; il les a même prononcé, une fois ou deux, et regarde où ça l'a mené. Il n'y a rien de bon à tirer de tout ça.

Il ne t'en veut pas, pas vraiment, même s'il voudrait bien. C'est dur d'alimenter la rancune quand on comprend les raisons qui te poussent à faire ça. Dans d'autres circonstances, il se dit que la situation aurait pu être inversée.

Mais aujourd'hui, c'est lui qui se dérobe et il tente, envers et contre tout, de prendre ça à la rigolade ; doucement, le doux ricane.
(ce n'est qu'un jeu,
après tout)

– Essaie pas de me faire rougir, vieux con.

Comme des collégiens à se balancer des flirts ; tu le rajeunis bêtement en quelques mots et c'est fou comme ça peut faire peur, car il ne demande que ça au fond Melvin, de rajeunir un peu, mais non, il ne faut pas que ce soit toi.

Tu es cruel, Olivier, à vouloir le ramener dans tes filets ; au fond, il se dit qu'entre lui et n'importe qui d'autre, tu n'aurais pas fait la différence. Lui-même ne la fait pas souvent sur les sites où il va, mais il espère toujours que ça le mènera à quelque chose.
(rien qu'un peu
de chaleur)

Il ne sait plus quoi te dire pour te faire partir, même après toutes ces années, plus quoi dire pour ne pas rentrer dans ton (votre) jeu ; il a la sensation que tu serais capable de retourner toutes ses paroles contre lui pour mieux le piéger dans tes bras à la fin de la soirée.

Mais il ne sait pas se taire, Melvin, les silences l'incommodent ; celui dans sa maison, plus que tous les autres.

– T'es juste content de me voir parce que t'as vu qu'il commençait à faire sombre et que t'as peur du noir. Après toutes ces années, 'serait temps de l'avouer tu crois pas ?

C'est moqueur et taquin, mais dit sans conviction ; tes peurs il les connait déjà, si similaires aux siennes, mais c'est la seule échappatoire. Malgré lui, il sourit.
(et c'est toujours
beaucoup, beaucoup trop doux)

Arrivée : 20/12/2020

aïe, l'honnêteté, ça ne marche pas, avec Melvin.
en même temps... Olivier aurait du se douter que plus personne ne le croit, ici, et encore moins ceux avec qui il semble s'amuser comme un chat qui tournerait autour d'une souris, la laisse courir puis la rattrape en un seul bond agile,
sans jamais donner le coup de grâce.

mais qu'est-ce que ce serait, le coup de grâce ? tout arrêter et ne plus le revoir, ou au contraire ne voir plus que lui ?

sa proie a en tout cas décide elle même de son sort, et que ce serait de ne pas attendre un coup de grâce qui ne vient jamais, mais plutôt de s'enfuir dans les hautes herbes. ouais, t'es un vieux con, tu le savais déjà, ça non, alors pourquoi tu es étonné ? pourquoi il y a ce pincement, là, quelque part derrière ses côtes, entre ses organes. pourtant, il le sait, c'est sûrement juste pour que leur jeu dure un peu plus longtemps, pour avoir l'illusion de ne pas céder trop vite,
il espère.

pourquoi le Doux irait-il dans la forêt, sinon ? ça ne manque pas de verdure pour promener son clébard, à Saint-Cley.

Olivier ne se laisse pas démonter, et sourit, amusé.
il ne vient pas voir tout le monde ainsi, mais ça, Melvin ne le sait pas. il ne peut pas imaginer le vrai sourire qui est tout de suite apparu sur son visage en reconnaissant la silhouette au bout du sentier. il n'a aucune idée de ce que pense réellement Olivier de lui, et comment il pourrait le savoir, puisqu'ils n'en parlent jamais,
puisque dans le creux de son oreille,
contre sa peau,
il n'a jamais murmuré que des douceurs sans conséquences.

des mots tendres qui n'engagent à rien,
des gentillesses qu'il pense, mais qu'il pourrait tout aussi bien dire par politesse
qu'il peut prononcer sans s'effrayer.

il a toujours peur de se faire mal, Olivier,
peur de trop s'impliquer,
mais peur de ne plus voir personne.

heureusement, Melvin sourit doucement, comme il le fait toujours, et rien que ça, c'est quelque chose, pour Olivier. quoi, il ne sait pas, mais ça ne fait qu'élargir son sourire, et ce n'est plus un sourire prédateur,
mais un sourire franc.

allez, j'avoue tout !

il relève les bras, haut les mains, démasqué.
c'est une simple blague entre eux, et pourtant ils se cernent et se connaissent bien plus qu'ils n'osent se le dire à voix haute.

tu as raison, je dors toujours avec les volets ouverts pour que le soleil vienne vite chasser le noir, mais ça ne suffit pas en pleine nuit...

un pas de plus vers Melvin,
un petit pas de rien du tout, c'est suffisant.

vous allez m'aider, hein, Officier Le Doux ?

Arrivée : 20/01/2021

Bien sûr que tu l'amuses avec tes manières, et s'il parvient à ravaler son rire lorsque tu rentres dans son jeu, son sourire s'évanouit un peu lorsqu'il sent la distance entre vous s'amoindrir légèrement. Non, tu ne tromperas pas sa vigilance avec tes traits d'humour, pas aujourd'hui, ni demain, ni jamais.
(Les arbres qui se resserrent,
encore et toujours plus)

Il reste campé sur ses positions, prétend ne pas t'avoir vu te rapprocher ; c'est qu'il a le cœur encore chavirant, ça tangue à l'intérieur et il fait si froid là dehors, il se demande s'il n'aurait pas plus chaud à tes côtés. Mais vite, il faut balayer cette idée.

D'un air innocent, il claque sa langue et tapote sa cuisse ; Fougasse vient se poster près de lui, une faible barrière entre vous. Elle ne tiendra pas longtemps, l'animal est instable et s'en ira courir loin au moindre envol d'oiseaux, mais c'est déjà ça.

Il peut souffler, reprendre une respiration normale lorsque tu t'acharnes à user de son nom pour le charmer. Dans d'autres circonstances, ça aurait fonctionné ; la preuve, il sourit toujours.

– C'est Lieutenant Ledoux pour vous, Monsieur Dubois.

C'est trop joueur, car Melvin a de l'affection pour tout le monde, il n'a jamais appris à bien la cacher comme il le voudrait, toujours trop honnête, toujours trop lui-même. Même les gens comme toi, ceux qui lui ont brisé le cœur et n'hésiteraient pas à le refaire, il ne vous en veut pas, il comprend ; et inévitablement, il vous pardonne.

Dupe-moi une fois honte à toi, dupe-moi deux fois honte à moi ; mais il s'est laissé duper tellement de fois à ce stade qu'il n'y a plus de place pour les hontes et les regrets. Des regrets il en a déjà trop, il n'en a pas besoin de plus ; alors il a arrêté d'en avoir avec toi. Il ne t'en veut plus depuis longtemps, même s'il aime bien faire semblant que oui.

Alors à défaut de pouvoir t'en vouloir, il décide de ne plus te vouloir toi.

– Tu veux que je t'offre une veilleuse peut-être ? il ricane doucement.

Une fois n'est pas coutume, on contourne le problème ; il sait bien que tu vois clair dans son jeu, c'est à se demander si vous arrivez encore à vous cacher des choses. Melvin n'en est jamais vraiment sûr ; tu n'es pas aussi facile à lire que lui.

– À ton grand âge... Je suis sûr le petit Louie accepterait de te prêter la sienne.

Et c'est tout ce qu'il peut t'offrir, il se persuade.

Arrivée : 20/12/2020

Olivier hésite à s'avancer plus.

il voudrait supprimer cette distance qui les sépare, il espère que franchir ces quelques pas qui les séparent comblerait aussi le fossé que Melvin semble avoir creusé autour de son cœur. des douves redoutables pour quiconque s'en est fait chasser.

alors Olivier ne s'avance pas plus.
mais il est juste devant le pont levis, et essaye de tout faire pour persuader le chevalier barricadé dans sa forteresse de bien daigner baisser le pont pour le laisser rentrer une fois de plus, même s'il tentera sûrement de passer par dessus les murailles pour repartir dans quelques jours.

et s'il faut blaguer, il le fait, car il est prêt à tout pour avoir ce qu'il veut. il se permet même, en riant doucement, d'imiter un salut militaire. le dos droit, la main droite relevée jusqu'à sa tempe, doigts serrés et paume visible. mais il sourit un peu trop pour saluer avec son respect son "supérieur", même si du respect pour Ledoux, il n'en manque pas.

pardon, Mon Lieutenant. vous m'avez tant distrait, j'en ai oublié votre promotion...

un clin d'oeil, et le bras s'abaisse, la main se relâche et repart s'enfouir dans les proches trop grandes de son manteau couleur sapin. il garde pourtant le dos droit, le menton légèrement relevé,
en défi.

va pour la lumière, je passerai voir le gamin. mais... pour le froid ?

il pense au poêle bien alimenté, mais une maison sans vie reste froide,
chauffée ou non.

c'est ce qui l'attend, dès que cette conversation se termine, s'il s'en tire trop mal.

il y pense, et jette un regard au chien, l'indique d'un coup de menton en posant à nouveau les yeux sur le visage du gendarme, et joue cartes sur table, pour une fois :

... je n'ai personne, moi.

son sourire l'a quitté, en prononçant ses mots, car il n'y a plus de quoi sourire. il voulait simplement continuer de blaguer, mais il est vite confronté au fait que sa vie n'est plus si drôle que ça, dès qu'il gratte un peu trop.
dès qu'il y pense un peu trop.

c'est pour ça, qu'il a désespérément besoin de quelqu'un pour le distraire de ses propres pensées, pour l'empêcher de penser à quoi que ce soit d'autre que son invité d'honneur,
et il aimerait que ce soit le lieutenant Melvin Ledoux,
aujourd'hui.

(et peut être le lendemain aussi.)
(et le surlendemain.)

Arrivée : 20/01/2021

Ah, le froid.
Ça le prend de court quand tu es honnête, et il laisse planer un silence pendant quelques secondes, de ceux qu'il déteste. Tu l'as pris de front, le taureau par les cornes, et il en perd ses mots pendant un instant.

Pourtant, tu n'as rien à lui envier ; il exècre tellement sa solitude, Melvin, qu'il a fallut qu'il se prenne un Golden à défaut d'avoir une petite tête blonde lui courant entre les jambes. C'est qu'il aurait aimé un enfant à deux pattes plutôt que quatre, mais la vie est faites de ces drames inévitables, simples et chagrins, et on n'y peut rien.

Et ça l'attriste de devoir comprendre ce que tu ressens, lui-même ne sait pas quand il pourra enfin se réchauffer de gestes tendres et de mots doux, quand sera la prochaine fois, il n'a déjà plus internet pour l'y aider, et l'avenir lui parait toujours si incertain qu'il se demande s'il ne finira pas mort frigorifié à force d'attendre.

Et ça fait tellement peur.

– Olivier... il souffle, un peu fébrile.

On oublie la fausse formalité, l'espace d'une seconde ; elle ne faisait pas de sens à la base, elle n'en fera pas plus maintenant. Et il y songe, Melvin, a faire un trait d'humour, continuer sur cette lancée que tu viens d'interrompre de ta sincérité ; il pense à te proposer de te prêter Fougasse, pour une nuit, mais l'idée de te répondre ça après un tel aveu lui laisse un goût de bile dans la gorge.
(ça sonne trop cruel, et melvin ne veut pas l'être,
pas avec toi)

Et il est si serviable Melvin, car c'est bien de ça dont il s'agit, pas vrai ? Un service mutuel qu'on se rend, combler les vides de l'un et de l'autre car on n'a plus personne d'autre vers qui se tourner, c'est trop tard pour nous.

Et il a tellement peur, Melvin, que le vide s'étende et l'avale tout entier.
(il se voit déjà
paralysé de froid)

Mais quelque part, ça le rassure qu'on puisse encore le désirer comme tu le fais, il ne comprend pas ce que tu y gagnes à t'acharner sur quelqu'un comme lui quand tu sembles pouvoir te mettre toutes les petites bonnes femmes du village sous la dent, les femmes d'untel et les boulangères et autres maîtresses.

Non il ne sait pas ce que tu veux au fond ; oh oui, il saisit l'idée générale, elle est séduisante, mais il ne sait pas. Il ne sait pas si tu le voudras pour une heure, deux heures, pour le dîner, le petit-déjeuner, il ne sait pas. Il n'avance pas vers toi car ça lui fait encore peur, il doute encore, mais il se tourne pour bien te te regarder. Tu as été honnête une fois, alors il pousse le vice :

– Qu'est-ce que tu veux ?

Parce que les doutes sont autant de désirs qu'on ne s'avoue pas.

(De toute façon,
ce sera la dernière fois)

Arrivée : 20/12/2020

Melvin craque, Olivier sait que Melvin finit toujours par craquer, toujours,
jusqu'au jour où il le repoussera et il devra alors rentrer chez lui en se sentant encore plus seul qu'il ne l'a jamais été.

Olivier sent sa propre victoire en entendant la façon donc son nom s'échappe des lèvres de Melvin, mais il ne s'en réjouit pourtant pas. cette victoire n'en a même pas le goût, car il ne parvient qu'à offrir un faible sourire un peu trop amer, un peu trop triste.

combien de temps ça marchera encore, ce petit jeu ?
il vaut mieux ne pas trop se poser la question, et prendre ce qu'on veut bien lui donner avant qu'on lui retire tout. se contenter des restes en bout de table,
et ce n'est pas grave s'il a le rôle du chien qui fait pitié et à qui on finit par jeter quelques miettes.

il sait vivre avec peu Olivier,
il sait survivre.

et il voudrait demander à qui la tendresse à laquelle il aura droit était réservée, quel prénom elle portait, la vraie destinataire de ces sentiments que Melvin consent finalement à lui laisser, ces miettes qu'il accepte de jeter sous la table pour lui,
mais Olivier ne demande jamais.

il sait juste qu'elles existent, et que lorsqu'elles ne veulent pas de Melvin,
lui est toujours là.

(il se demande même pourquoi Melvin essaye encore avec elles, mais il sait qu'ils ne seraient pas d'accords sur la question,
alors il n'en parle pas.)

ils se fixent.
Olivier se perd un instant dans le regard de Melvin et lorsqu'il lui demande ce qu'il veut, il doit se retenir de répondre "tout", car ce serait trop méchant de réclamer ce qu'on ne veut pas lui donner. il veut toujours trop, mais il sait quand il ne faut pas le dire.

tout ce que tu veux bien me donner.

il sait se contenter de peu, Olivier, mais il ne peut parfois s'empêcher réclamer un peu de confort, peut être car il se sent vieillir et que le froid de l'hiver n'en est que plus mordant. et les murs de son enfance, qu'il trouvait si étouffants, ces pièces trop étroites pour lui, elles sont maintenant immenses. immensément vides.

alors il réclame :

passe la soirée avec moi.

il pense à se lever seul dans un lit trop grand,
des draps trop froids,
le cœur un peu trop vide.

... et le lendemain matin, et...

il en demande trop, Olivier.
alors il se tait avant d'en dire un peu trop, avant de mettre son coeur un peu trop à nu. même dans son élément, même lorsqu'il gagne, il n'aime pas se sentir vulnérable,

en tout cas pas s'il ne peut pas se cacher dans les bras de quelqu'un et prétendre que c'est juste une attraction physique et rien d'autre.

(il ne lui dira pas qu'il voudrait qu'il reste plus longtemps, qu'il s'installe dans la cuisine, qu'il connaisse d'autres pièces que juste sa chambre.)

ah t'es là, toi ?

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