#254

Arrivée : 20/12/2020

tout le trajet s'est fait dans un silence tendu.

dans le 4x4, Olivier et Louie fixaient tous les deux la route sans un mot, et Olivier a même craqué et a fini par allumer l'autoradio pour combler le vide. il sentait Louie si proche de lui, dans ses bras, dans ce putain de fossé, et maintenant, il n'était pas si loin de lui, mais il y avait entre eux...
ben, un fossé.

mais il se raconte que tout va bien, et se gare dans la cour sans rien dire. de toute façon, il ne sait plus quoi dire, et se sent trop fatigué pour pouvoir penser à quoi que ce soit. il n'arrive enfin à prononcer quelque chose que lorsqu'il déverrouille la porte d'entrée, et s'écarte pour laisser entrer son hôte.

vas y.

il le suit et referme la porte derrière lui.

ils sont boueux et trempés à cause de la pluie et de la courte marche dans la forêt, ils sont en train de salir son entrée, il le voit et y pense, mais ne dit rien, pas cette fois, car il n'a vraiment pas le coeur de rouspéter, et a peur que Louie le prenne trop sérieusement s'il se met à grogner et ronchonner.

la porte tout au fond à gauche, c'est la salle de bain. va te réchauffer, je sais pas, une douche, un truc du genre, et enlève tes fringues tripées.

il est dans la merde, en vrai, il le sait,
car il n'aurait jamais du faire ça.

mais il s'est senti si mal pour Louie, et sa petite voix qui l'a supplié de ne pas le ramener à ses parents... comment dire non ? tant pis pour les emmerdes, autant que le gamin passe au moins une soirée un peu mieux que les autres. quand il était lui même au lycée, il avait déjà plusieurs fois passé des nuits tout seul, loin de ses parents, surtout en été quand il pouvait dormir dans les vieilles granges, et comprend l'envie de vouloir échapper au foyer étouffant juste une nuit.
mais il pleut,
il fait froid,
ça ne va pas.

alors c'est peut être mieux ici.

Arrivée : 20/12/2020

Le voyage en voiture était éprouvant. Louie y était déjà habitué, il fallait dire. Ses parents ne questionnaient pas ses caprices et ses états d'âme, et il a déjà dû être traîné par la peau du cou par son père pour le faire rentrer dans le break familial, malgré ses protestations. Alors désormais Louie ne se plaignait plus. Recroquevillé sur le siège avant, il donne l'air de pouvoir se noyer dedans. Ses genoux tremblotent, et ses mains sont crispées sur ses jambes, il observe de temps à autre son portable, s'accrochant à l'espoir d'Andreas qui lui envoie un message, mais au final, il garde le regard vissé sur la route, tendu comme la corde d'un arc, tendu si fort, si fort qu'on pourrait le casser au moindre toucher, on l'effleure à peine et il éclate, des morceaux de sa santé mentale qui s'échappent au vent, à chaque kilomètre parcouru dans le 4x4 d'Olivier.

Il a des flashes, des souvenirs, il a des angoisses et des sueurs qui lui tordent l'estomac et lui serrent le coeur, il ferme les yeux et soupire, tente de décompresser autant qu'il le peut - sans succès. Et, après tant de temps passé en voiture, ils arrivent chez Dubois. Au moins, il a tenu sa promesse et il l'a vraiment emmené chez lui. Il aurait pu le ramener à la case départ, le ramener chez les Dzemael, et l'abandonner là. Mais Dubois n'est visiblement pas comme ça, et Louie lui adresse un regard timide alors qu'il descend difficilement du 4x4.

Combien de temps allait-il pouvoir rester ? A partir de quand ça pourrait être considéré comme du kidnapping ? Quand est-ce que sa culpabilité allait reprendre le dessus et le pousser à revenir chez lui, malgré tout le mal que ses parents lui faisaient ? Est-ce qu'un simple sms pour indiquer qu'il était toujours vivant suffirait ou est-ce qu'il allait devoir rentrer, contre son gré ? Plein de questions, et très peu de réponses, il est vrai.

La maison d'Olivier est... cool. Elle est simple, elle est stylée, et s'il avait une maison comme ça près de la forêt, il aurait bien aimé avoir une maison comme ça. Il observe un peu autour de lui, examine chaque objet, chaque recoin, curieux. Au final, l'idée d'une douche chaude est plus qu'appréciée. Il hoche la tête, avant de se diriger vers la salle de bain, gardant la porte entrouverte derrière lui. Il n'est pas des plus pudiques, plus maintenant. Il se déshabille, essaie de ne pas regarder les blessures, les traces, les preuves de ce qu'il a vécu, et se dépêche de se mettre sous l'eau chaude - on se les pèle.

Et maintenant, il pense. Qu'est-ce qu'il va faire ? Il ne pourra pas rester chez Olivier éternellement.

olivier

♪

Arrivée : 20/12/2020

Olivier n'aime pas sa maison, il ne l'aime pas car quand il est dedans,
il est souvent tout seul.

il déteste le carrelage de la cuisine, trop propre, beaucoup trop,
car presque chaque soirée passé seul chez lui,
il récure les joints à la javel, et gratte, gratte,
gratte,
il déteste ces pièces sans vie trop propres qui lui rappellent ceux qui vivaient là avant.

il n'avait pas réussi à se résoudre à changer les meubles, et ne s'était débarrassé que du fauteuil de son père.

alors il restait tout, les mêmes meubles, les mêmes bibelots, les mêmes tasses dans le placard, sauf une, qu'il avait brisé le soir même où il était rentré à la maison. froide, vide, comme elle l'a presque toujours été pendant les années qui ont suivi,
ses nombreux partenaires étant une simple interruption trop brève, un peu de chaleur dans les draps qui se dissipe avant même la fin de la nuit.

mais pas cette fois.
cette fois, il y a ce p'tiot avec lui, ce gosse qui lui brise le coeur, mais qui a le mérite d'être là. il voudrait sûrement être ailleurs, avec quelqu'un d'autre, mais pas de bol pou lui, il n'y a qu'Olivier et la maison qu'il déteste pour l'accueillir sans poser de questions. alors il ne veut rien gâcher, il s'applique, va tout de suite faire chauffer de l'eau, mince, il buvait quoi, à 20 ans, lui ? ... du café, déjà, mais peut être que Louie veut autre chose... ?

depuis la cuisine, il crie jusqu'à la salle de bain, il a remarqué que la porte n'est pas complètement fermée, et il ne l'avouera jamais, mais ça le rassure un peu.

heu, remets pas tes fringues boueuses là, je vais trouver un truc !

et il faut monter à l'étage, fouiller dans les souvenirs, dans ses placards, trouver de quoi habiller le... l'enfant égaré ? qu'il a invité chez lui. heureusement qu'ils font presque la même taille, même si Olivier doute que son invité n'arrive à remplir ses t-shirts. ... tant pis, ça ira bien pour ne pas mourir de froid. il trouve des vêtements qu'il ne porte plus vraiment depuis quelques années, un t-shirt reçu pour avoir participé à un triathlon juste à côté à Marmagne, et un jogging qu'il conserve pour les moments difficiles où il faut quand même bien sortir nourrir la volaille, même quand on ne veut pas se lever.

il redescend en pliant soigneusement les affaires s'avance vers la porte de la salle de bain, content d'entendre l'eau couler, et dépose le jogging, les sous vêtements, et ce t-shirt qu'il conserve par simple fierté stupide. replié, on ne peut que voir les jambes d'un coureur dessiné, et l'inscription "2E PLACE - 22' 58" - O. DUBOIS".
il fixe les chiffres quelques secondes, avant de se secouer un peu, et demande de nouveau à travers la porte.

t'as des trucs à enfiler devant la porte. ... tu bois quoi, au fait ?

et en attendant la réponse, adossé au mur, dans le couloir, il ne peut plus ignorer son portable,
depuis combien de temps vibre-t-il ?
depuis qu'il est à l'étage, depuis le trajet en voiture,
depuis qu'il a serré le corps tremblant de Louie contre lui en espérant étouffer ses sanglots.

il raccroche pourtant l'appel, et se contente d'un sms.
nul, pourri, mais ça fera l'affaire.

Je décrocherai pas. J'ai vu ton fils, il va bien, il rentrera quand il a envie.
Olivier

Arrivée : 20/12/2020

Son regard s'est perdu sur les carreaux de la douche, Louie laisse l'eau trop chaude serpenter sur ses bras et son corps lui fait mal et tout lui fait mal, la vie lui fait mal, c'est une torture, mais sans piper mot il a promis à Olivier qu'il ne mourrait pas, il a promis qu'il s'accrocherait à la vie - il a promis à Olivier et il a promis à sa propre personne qu'il vivrait, c'est sur son honneur, il ne changerait pas d'avis, il vivrait.

Pas question de vivoter, Louie en a bien conscience, mais pour l'instant c'est si dur, pour l'instant il a tant l'impression qu'il va s'effondrer d'un instant à l'autre - que sa détermination va fondre comme neige au soleil.

Il reprend ses esprits en entendant Olivier s'activer et entrer dans la salle de bain, alors qu'il termine à peu près sa douche. S'il y a bien un truc qu'il ne comprend pas, cependant, c'est pourquoi Olivier est aussi serviable et gentil avec lui - il avait l'impression qu'il détestait tout le monde, et franchement, Louie n'a jamais été le plus facile des gamins. Il suppose avec le coeur gros qu'Olivier l'aime bien, et ça lui fait plus de mal que ça ne le devrait.

❝ Euh... ❞

Le café, c'est pas très bon. Le thé non plus, mais en même temps une boisson chaude ne lui ferait pas de mal. Mais il a peur de ne pas pouvoir goûter le café et le thé, il a peur de ne pas le terminer. Il hésite un peu, mal à l'aise.

❝ Vous avez du chocolat chaud... ? Bon, c'est pas grave si non hein, je veux bien... de l'eau. J'suis désolé, j'aime pas le café et le thé... Par contre, je vais sortir, là. ❞

Il passe sa tête derrière le rideau de douche, mais (idiot) n'attend pas pour sortir de la douche, parce que putain, comment ça caille - fait sa petite vie et se sèche, s'habille. Il observe le motif sur le tee-shirt. Deuxième place, c'est un peu le seum quand même. Mais il n'est pas sûr de pouvoir atteindre la deuxième place lui-même, même quand il était au mieux de sa forme. Au final, il finit de se saper et rejoint Olivier dans le salon.

❝ Ma mère me harcèle, c'est un truc de ouf. ❞

Il jette un regard à Olivier, un regard hésitant.

❝ Je... Je fais quoi ? ❞

Tout dans son timbre indique qu'il ne veut pas répondre, mais est-ce qu'il devrait le faire ?

olivier

♪

Arrivée : 20/12/2020

Olivier n'est pas vraiment de très bonne humeur. il l'est rarement, et encore moins quand il a un gamin paumé sur les bras et qu'il sait très bien qu'il ne sait pas s'en occuper, il ne peut rien faire d'autre qu'essayer de le réchauffer un peu, car ce qui se passe au fond du cœur et de la tête de Louie, il n'en sait vraiment rien, et il ne le saura sûrement jamais.
alors quand on lui réclame un chocolat chaud d'une voix un peu hésitante, il ne rétorque pas qu'il est trop vieux pour ça, ou qu'il en a pas et qu'il va devoir se contenter de ce qu'il a et puis merde. déjà, ce serait un peu triste, de l'eau, et puis, il n'a pas la force de lui refuser quelque chose aujourd'hui.

alors il ne râle même pas. il grogne juste un peu, en lui répondant :

je vais trouver, viens.

et les deux se dirigent vers la cuisine, la pièce qu'Olivier préfère, au fond, car il y a toujours un peu de vie dedans. le salon est si grand qu'il n'y va que très rarement quand il est seul, alors c'est devenu un peu son repaire.

il vérifie que le p'tiot s'installe bien comme il faut, et part en expédition au fond de ses placards. il est sûr d'avoir acheter de quoi faire du chocolat il y a quelques années après que sa cousine l'ai engueulé car « tu vas quand même pas offrir du café ou de l'eau à ma fille de 5 ans, gros con. ».

il ouvre un placard : non, perdu, pas dans celui là.
un autre ? nan, toujours pas.
il fouille le troisième, mais ne fouille pas très bien, car il est vite distrait par le ton inquiet du fils Dzemael, et il doit y avoir une sorte d'ensorcellement là dedans, car c'est incroyable qu'il arrive à le faire tout interrompre juste pour l'écouter.

Olivier se retourne vers son invité, tenant encore la porte du placard ouvert d'une main. il hésite un instant, cherche les bons mots, mais ils ne viennent jamais. ils n'étaient pas venus dans la forêt, et ils ne sont pas plus au bout de sa langue maintenant.

alors il fait avec ce qu'il a.

écoute... je sais pas. à ta place j'étendrai mon téléphone, mais je sais pas à quel point ta mère peut être chiante à cause de ça.

il est un peu déçu de ne pas pouvoir aider plus, alors il retourne au fond de son placard.

désolé, c'est à toi de voir...

mais il semblerait que la chance ai enfin eu envie de sourire au garde forestier, ou peut être qu'il a bien fait de s'entêter, car il y a bien une boite de chocolat en poudre, au fond de ce foutu placard. il la prend, et lit à la lumière que la date d'utilisation optimale est dépassée de quelques mois. il jette un regard au gamin. bon, s'il est assez costaud pour survivre à un accident, c'est clairement pas ça qui va l'achever...

alors il réfléchit à cette histoire d'appels ignorés en commençant de faire chauffer une casserole de lait sur la gazinière. ... à son époque, c'était quand même bien plus simple de fuguer. pas de portables ou autres, on pouvait juste se barrer dans les champs et dormir dans une grange, ou dans la chambre d'un ami à qui on faisait assez confiance pour qu'il ne cafte pas.
on pouvait juste ignorer ses problèmes quelques jours, s'éloigner des regards froids et distants de ses parents, au moins une nuit, partir loin des murs trop étroits d'une maison qui ne veut pas vraiment de nous.

bien sûr, qu'il le comprend, ce gosse.
mais lui avait au moins la chance de pouvoir ignorer ses parents jusqu'à ce qu'ils s'inquiètent tellement qu'ils étaient juste soulagés de le voir rentrer. ... même s'il doit bien avouer, pendant qu'il mélange le cacao au lait chaud dans la casserole, que ça n'a jamais réglé un seul de ses problèmes, et que ça n'a fait que l'éloigner encore plus de ses parents.

et quand il verse le chocolat chaud dans une tasse et qu'il le tend à Louie, il n'a toujours pas trouvé la bonne solution.

alors il pose la casserole sur la table, et s'assoit en face de son invité, et ne peut que lui dire honnêtement :

parfois je partais une semaine, mais ça n'a pas vraiment arrangé les choses. mais je regrette pas. ... c'est à toi de voir ce que tu veux faire, je peux pas décider pour toi.

visite de maison cheloue

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