La mine boudeuse tu tapes doucement contre un caillou qui ricoche contre le trottoir et qui raye bientôt la carrosserie flambant neuve d'une punto rouge. Oops. Le soupir ereinté de ton oncle te tend, dans un frisson désagréable. Il n'a jamais levé la main sur toi, et tu ne penses pas qu'il le fera un jour, mais tout de même, tu sens qu'il n'est jamais très loin. Et parfois, tu te dis qu'il suffirait d'un petit ricard en trop à l'apéro pour le pousser un peu plus dans ses retranchements. T'en as marre qu'on te traite comme si t'avais dix ans. Andreas fais pas ça. Andreas vas pas là bas. Andreas t'éloignes pas. C'est chiant. T'es habitué à ton petit train de vie en solitaire, mais dès qu'ils foutent un pied en dehors de la maison, les deux-là ne font qu'insister pour te trainer dehors. Le pire, c'est que tu pensais être une tare pour eux, un poids, mais il semblerait que non vu leur attitude. Alors pourquoi est-ce qu'ils t'exhibent comme ça ? Eh bien, tu t'en savais rien, jusqu'à très récemment. Jusqu'à ce que tu entendes des bribes de conversation depuis ta chambre. Des phrases qui ressemblaient à ce n'est pas facile d'avoir à sa charge un enfant qui n'est pas le votre ou entre il est si peu indépendant ou encore je pense qu'il est différent, vous savez, un peu ... dépressif. Merveilleux.
Tu enfonces tes poings dans tes poches en essayant d'oublier que c'est grâce à ces deux imbéciles que tu as un toit sur la tête et essaye de réfléchir à toutes les solutions que tu pourrais trouver pour te sortir de cette histoire. Tu as déjà essayé de postuler dans plusieurs petites boutiques, et c'est encore ce qu'ils tiennent à te faire faire aujourd'hui : poser des CVs. En soi, tu ne leur en veux pas de vouloir te voir ramener de l'argent et possiblement t'en prendre un peu, encore une fois ils te logent et n'en retirent rien, autant que tu le saches, il ne te semble pas que tes parents leur ai laissé grandement le choix. Mais voilà, alors que ta tante extirpe de sa pochette rouge un CV et une lettre de motivation qu'elle ne t'a pas laissé faire - avec dessus cette photo horrible de toi à Noël dernier - elle te pousse les papiers dessus avant d'entrouvrir la boutique d'un caviste qui agite les bras agressivement en vous repoussant aussitôt à l'extérieur. Bon. Ça tombe bien parce que ça t'intéressait vraiment pas.
Regards gênés entre les deux adultes qui se mettent à ignorer purement et simplement ta présence.
- C'est parce qu'il est chinois ?
- Oh sûrement. L'est pas d'ici, ça leur fait peur.
De dépressif t'étais passé à dangereux psychopathe asiatique. Et vas-y que ça part en longue discussion sur pourquoi tes parents n'auraient jamais dû t'adopter et comment ils étaient irresponsables de faire entrer un étranger dans leur foyer. Tu t'assieds sur le trottoir le plus proche et pose le CV et la lettre de motivation sur tes genoux, tu regardes les quelques passants, avant de croiser le regard d'un jeune homme et lui sourire vaguement.
Je sors de la boulangerie avec un pain aux noix sous le bras, fourre dans ma poche mon petit porte-monnaie et en tire un sac de toile dans lequel je dépose mon précieux butin. J’espère que LA boulangerie de St-Cley est bonne, sinon je pense que c’est un motif de déménagement. Ca et la 4G…
Je traîne un instant sur le trottoir, pas pressé de rentrer, le nez sur mon portable à essayer de charger mes mails, dépité devant la vacuité de cette tentative.
Puis une notification, un texto qui me fait ralentir encore davantage le pas. Mon frère qui m’envoie “J’arrive pas à t’appeler en FaceTime. T’es vraiment allée t’enterrer dans le trou du cul du monde !” Ca me fait sourire. Je finis par m’arrêter de marcher, passe mon sac sur mon épaule, pose les coudes sur le dossier d’un banc, et pianote sur mon écran pour lui répondre. ”C’est mon chez moi ce trou” Je scrute mon téléphone, me demandant s’il va choper la réf. Il ne me déçoit pas. ”Oh et ça en jette, c’est bucolique j’te jure ! C’est fou ce qu’on peut faire avec si peu de moyens ! J’adore ce gros caillou, il est très très joli le gros caillou” Je pouffe en repensant aux heures qu’on a passées ensemble à regarder encore et encore Shrek jusqu’à en connaître les dialogues par coeur. Ça y est, il me manque. J’aurais adoré voir sa p’tite tête… Je me sens un peu frustré, un peu triste, un peu seul. Heureusement, il a l’air d’avoir envie de textoter.
On se donne des nouvelles, je lui parle de St-Cley, de la maison, des moutons au fond du jardin, du chauffage au feu de bois, il se moque, il me fait rire, puis il parle de ses études, de ses exams, du stress, de Maman…
J’ai le cœur un peu gros mais suspends mes pouces au-dessus de l’écran en entendant une conversation non loin de là. J’ai relevé la tête en captant un “l’est pas d’ici, ça leur fait peur”. Un peu parano, j’ai d’abord cru que c’était pour moi. Mais le couple semble plutôt parler d’un jeune homme qui s’assoit, l’air dépité, sur le bord du trottoir. Ils ont l’air d’être de sa famille vu leurs dires, et pourtant chacun de leurs mots me sidère un peu plus.
Je croise le regard du jeune homme, réponds timidement à son faible sourire, même si mes sourcils se froncent encore et encore alors que mes oreilles traînent.
C’est pas mes affaires, je ne devrais pas m’en mêler. Mais putain on a pas idée de dire ça, surtout à côté du principal concerné, en faisant comme s’il n’éxiste pas. Je me mords la lèvre et secoue doucement la tête, me sentant bouillir intérieurement.
Finalement je glisse mon téléphone dans la poche de mon manteau, le verrouillant sur un message inachevé, sur un “Vous me manquez, oui, même t”, et traverse la rue d’un pas décidé bien que pas franchement assuré.
Abordant le couple avec un sourire tendu mais poli et un ton mesuré, je sens mon cœur qui bat un peu trop fort dans ma poitrine.
- Excusez moi, je n’ai pas pu m'empêcher d’entendre votre conversation Tellement ça pique les oreilles un tel discours Mais… Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Je marque une demi seconde de pause, sentant mes mains trembler dans mes poches et ma respiration s’accélérer. J’ai peur de me faire casser la gueule, parce que ce gars là il n’a pas l’air net, mais la situation me met hors de moi et je peine à garder mon calme. Vous vous rendez compte ou pas là ? Moi à l’autre bout de la rue, ça m’a donné envie de gerber ! Alors vous imaginez entendre des proches parler de vous de la sorte ?!
Mes paupières papillonnent un instant et j’ouvre les bras en signe d’incompréhension. Je ne trouve même pas mes mots, médusé par cette situation.
T'aimerais lui donner raison mais forcé d'avouer que c'est loin d'être la première fois que ça arrive, et c'est pourtant la première fois que quelqu'un fait autre chose que te lancer un vague regard gêné, ou un regard noir, suivant les personnes du bled qu'est Saint-Cley. Mais cette réaction ? C'était bien la première fois que tu étais témoin de ce genre de scène. Témoin ? Non, tu étais acteur aussi, enfin il fallait que tu le sois.
Ton oncle fait volte face fait un quart de tour sur lui même pour toiser le jeune homme avec dégoût avant d'échanger un regard avec ta tante, tu pressens le pire qui arrive. Et alors qu'il ouvre la bouche pour répliquer quelque chose qui ne ferait certainement qu'aggraver son cas, tu te relève d'un bond, crispant tes doigts autour des feuilles blanches.
Prit de court, c'est toi qu'il fusille du regard maintenant, mais ta tante partage sans doute ton envie de ne pas faire trop de vagues en ville et te pousse juste la pochette sèchement dessus.
- Trouve quelque chose avant ce soir.
Et elle traine son abruti d'homme par le poignet, tu les regarde partir, un air un peu sidéré au visage avant de soupirer, un poil soulagé.
Tu souffles entre tes dents, pas exempt de tout reproches non plus, sans doute. Puis tu relèves les yeux vers l'inconnu et rougit furieusement.
Le gars se retourne vers moi et ça me fige sur place. Il jette un oeil à sa femme, je me demande presque s’il n’est pas en train de lui demander silencieusement s’il peut me péter les dents. Franchement y’a tellement de dégoût dans son regard que ça ne m’étonnerait pas. Bordel de merde il a fallut que je fourre mon nez là où il fallait pas moi.
J’aurais aimé ne pas avoir ce mouvement de recul face à lui, j’aurais aimé lever davantage le menton et le toiser jusqu’à ce qu’il baisse les yeux et qu’il fasse ses excuses, ou au moins qu’il reconnaisse qu’il s’est comporté comme un enfoiré. Mais non, quand il ouvre la bouche je fais ce petit pas en arrière, et si je me force à ne pas baisser la tête, ce n’est pas l’envie qui manque.
Mais le p’tit gars se relève de son trottoir, comme s’il était monté sur ressort, comme s’il sentait lui aussi qu’on est à deux doigts de l’incident diplomatique. Et c’est à moi qu’il s’adresse, désamorçant le business comme il peut. Une boutade. Mon cul.
Au moins ça a le mérite de faire diversion, la femme lui colle sa pochette dans les pattes avec autant de délicatesse qu’un altérophile repose ses poids, et se tire en embarquant son mari.
Ils ont à peine tourné les talons que le jeune homme les traite à voix basse. Comme un bouchon qui pète, je pars dans un rire nerveux que je ne trouve pas du tout satisfaisant.
Il s’excuse, rouge jusqu’aux oreilles, je secoue la tête en soufflant et remuant les mains, comme pour faire descendre la pression. Je suis sûr que mon rythme cardiaque vient d’atteindre un niveau que je n’ose même pas espérer quand je fais du cardio. Je viens de me faire une frayeur comme je n’en avais pas eu depuis longtemps.
Je me passe les mains sur le visage, dans les cheveux, le temps de reprendre un peu mon souffle.
- Non mais c’est moi, c’est pas mes affaires, j’aurais pas dû m’en mêler, mais ça me rend ouf d’entendre ça !
Un nouveau gros soupir pour relâcher le stress, je m’appuie sur la devanture du caviste le temps que mon corps finisse de gérer cette montée subite d’adrénaline.
Comment j’ai fait pour survivre en taule alors que tenir tête à Tonton Raciste me panique comme ça ?
- Putain il m’a fait flipper le tonton, j’ai cru qu’il aller m’en coller une… J’espère que ça va pas t’attirer des ennuis, vraiment j’ai pas réfléchi, désolé.
Et voilà que le caviste ouvre sa porte pour gueuler.
- J’veux pas d’ennuis moi, allez poser vos pattes sur la vitrine de quelqu’un d’autre.
Ayant dépassé la sidération depuis quelques longues secondes déjà, et le sang-froid n’étant pas une de mes principales qualités, je décolle ma main de sa vitrine en faisant un large et vif geste de bras au-dessus de ma tête.
- Non mais c’est la journée là ! Vous vous passez le mot pour tous casser les couilles en même temps ?!
Diplomatie et Délicatesse, mes deuxièmes et troisième prénoms.
Tu marmonnes, entre tes temps, le regard un peu fuyant. Tu t'en veux, personne ne devrait avoir à te protéger ou quoi, mais d'un autre côté, hé bien tu ne lui as rien demandé. Tu sais encaisser, et tu as l'habitude, et ça ne te touche plus. Ce n'est pas très important. Ce n'est que leur avis, il ne compte pas. Ils ne sont personne.
Lorsque le caviste décide de pointer le bout de son nez, tu hésites à forcer le passage pour lui donner ton CV, histoire de dire. Peut-être que si tu ne trouves rien mais que tu poses ton CV partout, hé bien ils te laisseront tranquille ce soir. Parce que sinon, si ton oncle commence à réfléchir un peu plus jusqu'à ce soir, à mariner dans sa colère, tu ne donne pas cher de toi. Tu as intérêt à passer prendre un kebab avant de rentrer, parce que c'est clair que tu n'auras pas un petit repas tout mignon préparé pour toi.
Tu souris, un sourire presque radieux. T'es content de parler à quelqu'un qui n'a pas l'air d'avoir que deux neurones. C'est agréable. Et il ne te dit rien. Sans doute que ta tante a déjà dû en parler, mais en vérité tu n'écoutes pas quand elle balance son venin sur tout le monde.
Tu tends ta main vers lui avec un petit hochement de tête poli, parce qu'on t'a bien élevé, quand même.
Et plus bas, tu ajoutes, comme si tu ne pouvais t'en empêcher.
Je pense pas qu’il l’aurait fait qu’il me dit… C’est qu’il n’est pas sûr… Ah putain, y’en a qui ont bien des familles de merde. Famille de merde qui rèsonne bien dans le caviste visiblement.
Heureusement qu’il rentre vite dans sa boutique après que j’ai retiré ma main de sa vitrine parce qu’ils me chauffent tous là. Je dois être en plein SPM. Ou alors je ne tolère plus du tout les manques de respect. L’un ou l’autre.
Je hausse un sourcil en entendant le jeune homme dire qu’il attire la poisse, trouvant cette réflexion bien dure. Mais il sourit, un large sourire sacrément communicatif.
- Mouais ça doit être ça, le mauvais oeil qui te colle à la peau.
Je me marre en secouant la tête. Qu’est-ce qu’il faut pas entendre hein.
Et non, je ne pense pas qu’on se soit rencontrés non plus, il est bien trop jeune et trop “intact” pour que j’ai eu besoin de lui rendre visite.
Je serre cette main qu’il me tend, avec un large sourire. Les moutons noirs de Saint-Cley qui se regroupent devant chez le caviste. Il doit être content cet homme devant cette dangereuse association de malfaiteurs.
- Enchanté Andreas ! Et c’est vrai, je suis réellement ravi de rencontrer quelqu’un en dehors du boulot, même si les circonstances ne sont pas les meilleures. Moi c’est Charlie.
J’ai un sourire en coin et un haussement de sourcil en entendant sa dernière phrase, d’une petite voix.
- Trouver un job à Saint-Cley… Ça doit être un parcours de santé dis !
Surtout si les commerçants se comportent tous comme le caviste.
- T’as pensé à devenir gourou de secte ?
Il est tout jeune en plus non ?
- Tu cherches un temps plein ? Remarques, si ça te permet de ne pas passer la journée avec ton oncle… Ca vaut peut-être le coup de trouver quelque chose rapidement.
C’est les résidus d’adrénaline qui me font dire ce genre de trucs à voix haute ? Parce que tacler “gratuitement” la famille des autres ça ne me ressemble qu’à moitié.
Tu clignes des yeux avec un air un peu ahuri. Est-ce que Charlie fait référence à la secte du coin ? Lorsqu'il y avait eut toutes les histoires avec elle, ta cousine t'avait inondé de messages. À l'époque, tu étais au japon en train de vivre ta meilleure vie, et pour tout avouer ça ne t'avait pas intéressé tant que ça. C'était une anecdote comme une autre quand vous faisiez un appel whatsapp quoi, rien de plus. Mais maintenant que tu y réfléchissais un peu plus, c'était vrai que ... On en avait plus entendu parler. Étrange. Enfin, à bien y réfléchir, tu doutais que Charlie fasse vraiment référence à ça.
Lorsqu'il te demande si tu cherches un temps plein tu hoches tristement la tête. Tu n'as pas envie de travailler, tu veux continuer tes études. Ce n'est pas comme si tu ne branlais rien en plus, au contraire, tu travaille d'arrache pied. Mais en attendant, t'étais là comme un con dans un bled de merde qui n'avait pas internet alors que tes premiers CC commençaient dans quatre jours. Autant dire que tu savais d'avance comment ça allait se passer : tu étais bon pour les rattrapages. Ils s'en ficheraient bien que tu n'ais pas internet, et tu avais déjà demandé à ta Tante de t'emmener dans une ville un peu plus grosse, elle t'avait sèchement répondu qu'elle n'avait pas que ça à faire. Les bus, les trains ? Oui, tu n'y avais pas vraiment réfléchi.
Tu souris, un peu tristement, plus que tu ne l'aurais voulu en tout cas, et puis tu détournes les yeux, le cœur un peu lourd au final. Tu aimerais tellement que tes parents reviennent, en héros, de leur dernier voyage, pour te dire que, c'est bon, on rentre à la capitale. Mais tu sais que ça n'arrivera pas, que ça n'arrivera sûrement plus. Il faut que tu prennes tes responsabilités maintenant.
Naïvement, jusqu'ici, tu te disais que c'était honnête, qu'ils n'avaient plus de place, que c'était dur pour tout le monde, et tout et tout. Mais ta tante criait à qui voulait l'entendre que ça recrutait beaucoup vers Noël. Alors...
Ça a l’air de le mettre en joie cette histoire de temps-plein. Surtout vu la raison pour laquelle il cherche. Quitter les bourreaux avec qui il vit.
Je me demande pourquoi il est avec son oncle et sa tante et non avec ses parents. Il vaut mieux que je garde cette question pour moi, quelle que soit la raison, ça ne doit pas être super jouasse. Pauvre gars, se coltiner les version odieuses d’Oncle Ben et Tante May… Et se faire refouler de tous les jobs alimentaires pour lesquels il postule.
- Pourquoi tu cherches pas en dehors de Saint-Cley si ici c’est la galère ?
J’ai du mal à piger les gens qui restent coûte que coûte dans leur petit patelin juste parce que c’est le patelin qui les a vus naître et celui dans lequel ils comptent bien caner. Il a pas l’air de faire partie de ces gens là lui en plus. Alors pourquoi pas, tout simplement, tenter sa chance plus loin ?
- T’es du coin ?
Du coin de l'œil je vois le caviste qui nous observe avec un peu d’impatience. Je soupire, range mes mains dans mes poches et lève les yeux au ciel devant ce spectacle.
- Vaut peut-être mieux pas trouver que bosser pour un gars comme ça… J’m’en suis coltiné des patrons chiants et même si ça paye le loyer, c’est franchement pas la joie au quotidien…
Le chef de service tout puissant qui se prend pour le roi du monde et qui, de fait, traite le reste du monde comme de la vermine. Celui qui profite de sa position pour faire pression sur ses ouailles. Ceux qui manquent de respect envers les patients et que personne n’ose aller dénoncer de peur des représailles.
Le job alimentaire avec un patron chiant vs vivre avec son rustre d’oncle… Le calcul doit être chiant.
Silence, tu savais que si tu gagnais assez ici, tu allais simplement te prendre un appart ici, mais loin d'eux. Après, est-ce que c'était si dérangeant que ça ?
Ton visage s'assombrit et tes yeux s'embrument quelque peu. T'es idiot de penser que tu mérites un coin à toi finalement. Et puis, à Paris tu étais bien. Pas forcément à ta place, mais entouré des gens que tu aimais. Ici ... Tu ne pouvais juste pas faire ta vie à Saint-Cley ? Tu allais devenir fou avant même d'avoir signé le bail.
Alors que je le questionne, le jeune homme se met en mouvement, prenant une direction qui m’arrange bien, nous approchant de là où j’ai garé ma voiture. D’ailleurs, en parlant de voiture… Voilà ce qui le coince à St-Cley. Je n’ose pas lui dire que payer le code, les leçons de conduite puis le permis ne sont que les premières dépenses qui l’attendent. Il va bien lui falloir quelques mois de petits boulots par ici avant qu’il ne puisse espérer se payer une voiture qui ne va pas le lâcher après 300 bornes et qui n’a pas besoin d’une nouvelle courroie dans le mois.
– C’est sûr qu’en campagne, avoir le permis ça ne peut que t’aider.
Ça lui permettrait de rayonner un peu autour de Saint-Cley, élargissant ses possibilités.
Et visiblement il a bien besoin d’élargir son champ des possibles. Après avoir voyagé, se retrouver bloqué chez Tonton Raciste ça doit foutre la haine. Du coin de l’œil j’avise sa mine sombre, ses yeux un peu humides. C’est une déformation professionnelle cette envie soudaine de lui proposer de vider son sac, de relâcher la pression, de sortir toute la rancœur qui le mine ?
Mais ce ne sont pas mes affaires, j’en ai suffisamment fait en prenant son oncle à partie pour ne pas en plus fourrer mon nez dans ses sentiments. Qui a envie de déballer sa vie à un inconnu hein ?
Du coup je me contente de la conversation polie.
– Et y’a une destination d’un de tes voyages qui te donne envie de t’y poser ?
Ça me fait mal au cœur de voir ce grand bonhomme avec son air déconfit. Et j’ai beau m’être dit que je n’allais pas me mettre à remuer ses état-d ’âmes, je ne peux m’empêcher de le questionner.
– Ca va Andreas ? Je veux dire… Est-ce que ça va vraiment ?
Au pire il m’envoie chier et je passe pour le gars un peu chelou tout droit débarqué de « la ville ». Au mieux il peut peut-être balancer sur son oncle à un gars qui ne le connait pas et ne risque pas d’aller lui rapporter.
Charlie te demande s'il y a un endroit où tu voudrais retourner, et le coeur lourd tu te dis que non. Que ce n'est pas tellement un endroit, mais plutôt une époque, où tout allait mieux. Oh, tu ne regrettes pas forcément la naïveté de ton enfance, bien sûr, mais... Il y avait plein de choses que tu regrettais. Plein de choses que tu estimais n'en avoir pas assez profité. Tu étais idiot, peut-être.
Ici, c'était une prison. Tu lui jettes un regard, songeur, avant de lui sourire finalement, un sourire presque timide en vérité.
Te voilà écarlate. Est-ce que tu vas vraiment bien ? Tu n'en sais trop rien. T'as l'impression que ce foutu village aura ta mort, entre nous.
Change de sujet, t'as raison.
HRP : Désolééééé j'ai vraiment mis cinquante ans à répondre :( J'espère être vraiment plus rapide pour les réponses à venir !
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