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#69
il dit bonjour aux chasseurs quand il les croise, contrôle de temps en temps leur permis de chasse, et se fait parfois offrir un morceau des prises du jour pour calmer ses grommellements.
il toise les jeunes qui viennent s'amuser, mais se réjouit qu'eux aussi semblent avoir envie d'aller jouer dans les bois comme lui en a eu envie, à leur âge.
et puis, il y a cette silhouette familière, qu'il semble voir de plus en plus. cette espèce de poupée de la ville, qui vient pourtant bien d'ici, de la même ville que lui, et qui n'a pas peur de se salir pour aller photographier des arbres remarquables ou des animaux cachés derrières les fourrés.
au premier coup d'oeil, Olivier n'avait pas pensé grand chose de très sympathique à propos de Sophie Dulac, il faut l'avouer.
mais elle lui avait demandé son chemin, et il avait été si surpris qu'il l'avait fait sans un seul commentaire désobligeant. et puis la seconde fois, il n'avait rien trouvé de désagréable à dire non plus, alors il avait dessiné un plan docilement. ni la troisième, ni les autres fois qui ont suivi... ... alors maintenant, c'est une habitude, d'être un peu plus cordial qu'à son habitude avec cette fille qui arrive parfois à lui faire froid dans le dos.
et puis, encore une fois,
elle est là.
à une intersection de plusieurs sentiers, il reconnait cette silhouette au milieu de l'un d'eux. il l'observe quelques secondes, se demande si elle est en train de prendre une photo avant d'avancer, car il ne voudrait pas faire peur à sa cible potentielle. mais elle semble simplement marcher,
alors il accélère un peu le pas, les mains enfoncées dans les poches de son uniforme vert habituel, et quand il arrive enfin à sa hauteur, il l'interpelle :
est-ce qu'il devrait la tutoyer ? elle est plus jeune, après tout, mais lui détestait les adultes qui se permettait de le tutoyer par familiarité simplement car il est plus jeune... de toute façon, les mots sont déjà sortis,
c'est trop tard,
alors il se content d'attendre une réponse,
sans vraiment sourire, mais sans avoir l'air renfrogné non plus.
#71
C'était tout à fait incroyable. On payait pour avoir internet et pourtant tout le village était en coupure de courant. Dans un sens cela n'était pas si étonnant, après tout quand on est a st cley les buissons en tempinière ou whatever le nom véritable, il n’y a rien de si inhabituel de perdre sa connexion internet. Mais quand même, c'était agaçant, rageant même surtout quand on avait une deadline à respecter, comme toi. Tu n’avais aucun doute sur le fait que tu soit la personne qui avait le plus besoin d’internet en ces temps misérables. Tu grommelle, tant pis, tu trouverais autre chose à faire.
Tu pris ton sac et sorti de la maison en lançant un au revoir hâtif à ta mère. Direction la forêt et tu en avais pour une petite marche avant d’y arriver. Tu n’aimais pas y aller, en fait tu n’aimais même pas particulièrement la nature mais tu aimais gagner de l’argent et encore plus les compliments alors tu te forçais toujours a y aller au moins trois fois par semaines.
Arrivée à destination, tu sors ton appareil après avoir marché un moment sans trouver l’endroit parfait. C’est une fleur violette, peu importe son nom, tu n’aime pas les fleurs, au milieu d’un tas de feuilles qui attire ton regard. La scène était parfaite avec le rayon de soleil qui tombait pile au dessus, c'était tout simplement magnifique. Cela aurait pu être mieux comme un écureuil en train de voler la fleur ou alors un cerf avec ladite fleur dans les bois mais on ne pouvait pas tout avoir. Tu t’agenouilla, tant pis pour les traces sur ton beau manteau, tu en achèteras un autre, pris les photos et regarda attentivement l'écran de ton appareil avant de te remettre en route. Ce n'était pas cette photo qui t’assurerais une promotion, c'était pour sûr.
“Eh, encore vous !”
Tu lève la tête, tu reconnais cette voix. Ton visage n’affiche aucune joie mais tu n’es pas agacée pour autant. Tu as appris a te tenir avec Olivier, après tout il t’avais bien aidé lorsque tu en avais besoin a tes débuts. Il y avait pourtant cette folle envie d’en savoir plus sur lui, cette même envie irrépressible qui te prend dès que quelqu’un que tu ne connais pas assez s’approche de toi. Cette envie d’en savoir trop et de pouvoir t’en vanter ensuite et tu étais sûre qu’il pouvait y avoir matière chez lui. Il était peut-être temps.
Tu hoches la tête.
“Ah bonjour. En réalité j’ai bien pris quelques clichés mais je n’en suis pas vraiment satisfaite.”
Il n’y avait aucune raison à mentir, même la plus parfaite des photographes connaît ses mauvais jours.
"J'espérais tomber sur vous, justement.” mentais-tu, “Avez-vous vu des fourmilières récemment, du genre imposante, de préférence ? “
Tu avais posé la question de manière détachée mais après rapide réflexion tu en avais vraiment besoin. Un magazine pour enfants avait demandé des clichés d’insectes récemment et bien que tu n'avais pas encore répondu, il était peut-être temps de t’y mettre. Enfin si internet continuais à te jouer des tours cela serait compliqué de leur répondre, de toute façon.
#117
il la connait peu, mais il apprécie cette espèce d'entente où personne ne se force à faire des ronds de jambe, mais où l'on en est pas encore à se balancer des vacheries.
autant que ça dure.
alors il hoche la tête, ressentant presque la déception que doit sentir la photographe qui ne trouve rien qui lui convienne aujourd'hui. c'est un métier qui le dépasse, et il ne comprend pas tout à fait, mais il sait au moins ce que c'est que d'avoir un travail qu'on aime vraiment, car elle semble bien passionnée, tout comme lui est passionné de cette foutue forêt, du plus grand chêne à la plus petite punaise qui marche non loin d'eau sous les feuilles tombées au sol en essayant de ne pas se faire remarquer par un prédateur.
mais le garde forestier est tiré hors de ses pensées et hausse en sourcil en entendant que la photographe espérait le croiser.
ça le ferait presque sourire car personne n'a jamais envie de le croiser, il en a parfaitement conscience, et ne s'en cache pas.
mais il ne relève pas plus, et préfère se raccrocher à la question qu'elle lui pose. il lève les yeux vers les feuillages qui les surplombe, par réflexe, pour réfléchir :
il se tait, réfléchit aux indications à donner. normalement, ce n'est pas si compliqué à trouver, une fourmilière, si on sait regarder, mais...
c'est une citadine.
enfin, pas exactement, il sait très bien qu'elle est née ici, mais... elle a choisi la ville, elle, elle est partie comme si elle n'était plus d'ici, et même maintenant qu'elle est revenue, Olivier peut difficilement l'imaginer comme faisant partie des siens, de ceux qui ne connaîtront que cette ville perdue.
c'est une citadine, qui préfère les grands immeubles aux insectes, c'est comme ça qu'il l'imagine, en tout cas, et la voit déjà errer longtemps vers l'endroit qu'il a indiqué sans rien voir, en l'insultant de tout les noms même s'il est déjà très loin.
il soupire.
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