#116

Arrivée : 20/12/2020

on demande tout à Olivier, même s'il ne passe pas vraiment pour un mec sympa, mais car même s'il a beau vous dire que vous êtes un abruti pour avoir laissé s'enfuir votre oie, eh bien, il part quand même, et vous la ramène le lendemain en grognant. il fait le taf.

mais pour une fois, ce n'est pas un volatile, ni un chien de chasseur qui a goûté à la liberté et a décidé de ne plus revenir vers ses maitres. cette fois, la requête était accompagnée d'un ton plus inquiet que d'habitude, plus angoissé que si l'on venait de perdre son lapin Bijou. cette fois, c'est le fiston un peu trop couvé qui a ouvert la porte de la cage et s'est sauvé, et bien sûr, qu'Olivier a dit oui pour aller le chercher.

dans la direction de la forêt, ça ne veut pas dire la forêt, ça veut dire n'importe où, ça veut dire qu'il s'est perdu, le gosse, et que s'il ne veut pas qu'on le retrouve, on ne le retrouvera probablement pas.

mais Olivier cherche quand même, car il ne peut pas rester à rien faire. et vu la direction que le fugitif a prise, il ne voit pas vraiment où il pourrait aller, à part là, sur ces sentiers un peu abandonnés. c'est peut être juste sa propre envie qui dirige ses pas, mais il se retrouve à vite quitter les beaux chemins balisés et bien entretenus pour s'enfoncer plus profondément dans les bois, en se disant que le gamin aura peut être eu la même idée.

qu'est ce qu'il en sait. c'est vaste, une forêt, surtout celle là, qui fait partie des 15 plus vastes de france, il se souvient encore de l'exposé du chef de district le mois dernier. mais le gamin, c'est pas vraiment un p'tiot, en fait, même si Olivier le considère toujours ainsi. non, il est majeur, et comme sa mère l'a si bien expliqué pendant un peu trop longtemps, les policiers ne font rien pour un majeur qui s'absente une journée sans donner de nouvelles.

Olivier ne sait pas refuser. c'est pour ça qu'il est là, au fond, à regarder les alentours et à espérer voir une silhouette, ou entendre quelque chose, mais pendant de longues minutes il n'y a que le propre bruit de ses pas sur les feuilles mortes et sa respiration qui devient haletante quand il accélère le pas.

heureusement pour lui, il a des bonnes intuitions, ou peut être une bonne mémoire de chaque fossé de cet endroit de la forêt, car il sait très bien que cette crevasse là ne contient aucune forme suspecte en temps normal.

putain.

PUTAIN, c'est là que t'étais, mais je crapahute comme un connard depuis 2 heures, merde.

c'est tout ce qui sort de sa bouche, avec un ton un peu trop brusque, mais il se mord la lèvre et garde les mots qui suivent pour lui. je me suis inquiété pour toi.

il croise les bras et attends quelque chose, il ne sait pas quoi. que Louie se lève, ou lui réponde, au moins. quelque chose, n'importe quoi. s'il te plait.

Arrivée : 20/12/2020

Si ce n'est pas sa dépression qui le tuera, ce sera le mauvais temps. Ou ses parents, tiens, parlons-en de ses parents. Pourquoi il les aimait, avant ? Pourquoi avait-il de l'affection pour sa pimbêche de mère, trop fouine et son idiot de père, trop envahissant et trop... trop. Ses parents étaient juste trop. Et s'ils avaient l'impression de tout bien faire, en réalité, ils faisaient trop de travers, mais Louie n'avait pas le coeur de leur dire, ah, si, peut-être qu'un jour il leur dira, dans un coup de colère, comme il avait fait avec elle, la dernière fois qu'ils s'étaient parlés.

Louie est assis dans un fossé, et il pleure sur son joint. C'est quand même pathétique, même pour lui. Il le tient avec des doigts tremblants, c'est censé le détendre, mais plus rien n'a l'air de marcher. Plus rien de pas trop fort, en tous cas, plus rien qu'il n'a pas peur d'essayer. Il se questionne. Ce n'est pas normal qu'il n'aime plus ses parents, pa vrai ? Il doit les aimer. Au moins vaguement, au moins les apprécier. Peut-être pas trop, mais juste sentir le lien. La connexion entre eux trois, l'appartenance à la famille. Au final, ses parents ne lui ont rien fait de trop direct, rien de trop peu subtil, rien de trop vil pour qu'il décide de couper de lui-même le lien.

Il se demande si c'est le coma. Après tout, c'est possible. Peut-être que son cerveau -ce qu'il en reste- a été endommagé et qu'il n'est plus capable de ressentir l'amour familial. Ou peut-être que ça lui a sauté aux yeux - quand ses parents l'ont traîné hors de l'hôpital sitôt qu'ils ont pu le faire, sans même aborder le sujet d'un suivi psychologique, parce que regarde, tu vas bien. C'est pour ce genre de conneries qu'on se retrouve assis dans un fossé à fumer du mauvais shit.

Il tremble, il rumine, il tremble, il tremble, et juste comme ça - ça invoque le garde forestier. Il relève des yeux confus, voire stupéfaits, sur lui, et se dit, comme un idiot: putain. il est fort, le con. Parce que Louie ne voulait pas spécialement qu'on le trouve en train de pleurer comme un idiot dans son trou, alors il avait emprunté pas mal de chemins détournés. Mais M'sieur Dubois est là. Et M'sieur Dubois a l'air franchement énervé, si on demande à Louie. Il se redresse un peu.

❝ Désolé. ❞

Désolé de quoi Louie. Désolé de quoi, sérieux ! Non, même lui, il ne sait pas. Il pince les lèvres, penaud. Et puis il fronce les sourcils, un peu.

❝ Mais, euh... Pourquoi vous me cherch... Ah. Ma mère. ❞

Il soupire la réponse.

❝ J'reviendrai pas. ❞

Pas tout de suite en tous cas, pas avant que ce soit le milieu de la nuit et qu'il fasse sombre et qu'il flippe, même en centre-ville.

olivier

524 mots

Arrivée : 20/12/2020

bien sûr qu'Olivier est en rogne, il l'est toujours.

il est énervé car il pense à la soirée de veille, à ce qu'il fait, à tout ce qu'il déteste faire.

et puis il pense à ce matin, à cette conne accrochée à sa portière qui l'empêche de partir, et déballe tous les précieux secrets de son fils sans la moindre hésitation,
et cette simple chose lui a retourné le bide, lui a fait ressentir quelque chose qu'il n'arrive pas à nommer pour ce gamin, car il se rappelle être à son âge et se démener pour cacher tout ce qu'il était.

c'est ce même sentiment inconnu au bataillon qui l'assomme à l'instant où Louie se retourne et le fixe avec ses yeux rouges, rouges du joint, mais pas que,
petit chose fragile,
et il a honte, il regrette immédiatement de l'avoir pris en pitié ainsi,

et s'il a le souffle coupé, ce n'est rien,
c'est juste car il a marché trop vite pendant deux heures.

... car il avait peur que le gamin se soit foutu en l'air dans un fossé,
et retour à la case départ.

les excuses de Louie n'arrangent rien, mais heureusement pour Olivier, elles deviennent vite des affirmations bornées, le genre que seul un adolescent pourrait dire avec autant d'assurance, et ça l'agace un peu, assez pour ne pas penser à toutes les inquiétudes qui lui tordent les boyau.
il s'approche, descend pas à pas dans le trou où le fugitif a élu domicile pour la journée, et il essaye de ne pas remarquer les tremblements de Louie, même si c'est un échec terrible,
et la source de nouvelles inquiétudes.

mais il tient bon, et ne dit rien qui ne soit trop lourd de compassion. il se mord même la lèvre inférieure pour ne pas dire de conneries, et s'assoit lourdement juste à côté de Louie, sans le regarder.

pfff, de toute façon, c'est mort, je te ramène pas à tes parents tant que tu pues le shit comme ça. ils vont déjà assez te casser les couilles sans ça, et j'ai pas envie qu'ils me cassent aussi les couilles par ricochet.

il se raconte qu'il ne comprend pas les parents qui s'inquiètent, même s'il crève envie de demander ce qui ne va pas. mais il n'est pas comme ces cons là, lui, car il ne demande pas. ... même s'il voudrait vraiment savoir. et pas ces horreurs déballées par l'autre conne, non, mais ce qu'en pense vraiment Louie.

tant pis, il ne demandera pas, il ne fera pas ce truc d'adultes qu'il détestait, promis juré.

par contre, il ne va pas s'empêcher de lui dire ce qu'il pense.

quelle idée d'aller fumer en forêt, vous avez pas des meilleurs coins pour squatter, les jeunes... ? ... putain, me dit même pas que tu comptais balancer ton mégot comme ça où je vais m'énerver.

non, Olivier n'est pas énervé, pas encore, malgré les sourcils froncés, les poings serrés enfoncés dans les poches, et un regard noir qui arriverait sûrement à tenir à distance une meute de loups.
non, pas énervé, juste inquiet.

Arrivée : 20/12/2020

Louie s'attendait à ce que Dubois l'engueule. Le genre d'engueulade qui l'hérisse, celle qui sous-entend qu'il est encore un gamin irresponsable qui ne sait pas se tenir, un poids pour tout le monde et surtout pour ceux qui s'occupent de lui. Il se redresse un peu dans son fossé, tendu, sur la défensive.
Mais l'engueulade ne vient pas. Au lieu de ça, le garde forestier vient se poser à côté de lui, et maintenant ils ont l'air de deux cons, assis dans le fossé comme ça. Au moins, il a pas plu depuis quelques jours, ils seront pas couverts de boue. De toutes façons, dans l'état de détresse dans lequel est plongé Louie actuellement, c'est le cadet de ses soucis - mais ce sera sûrement pas celui de sa mère, qui va sûrement ronchonner un peu qu'il rentre en étant couvert de poussière.

❝ Ouais, d'accord. C'est vrai. ❞

Il l'aime bien, Dubois. Il est moins con que la plupart des cons de St Cley, et c'est déjà beaucoup. Louie ne parle pas énormément, il préfère écouter Dubois parler, il n'a pas envie de dire de la merde, il a trop peur de la réprimande qui ne saurait tarder, même s'il essaie de se convaincre que Dubois n'est pas comme ça, qu'il ne l'emmerderait pas, il a peur. Il triture la fin de son joint, franchement il n'a même plus envie de fumer maintenant - la politesse voudrait qu'il en propose à Dubois, mais est-ce qu'il a le droit de faire ça ?

❝ J'suis désolé, je voulais pas aller quelque part en ville.. Ca avait l'air calme, par ici, alors bon.. ❞

Il s'excuse encore un peu plus, puis se tait parce qu'il n'a pas envie de passer pour une victime, même si le mal est déjà fait. Il soupire, observe les arbres, le vent qui souffle dans les branches, doucement, doucement. Ca commence à se refroidir, et Louie se dit qu'il n'est pas prêt pour l'hiver. Il a déjà tellement mal, mal partout. Il jette un regard à Dubois, furtivement - il a l'air fatigué. Il a l'air vénère. Il a l'air inquiet, aussi, ça le désole, il est vraiment désolé. Il ne veut pas inquiéter qui que ce soit et encore moins un mec qui a rien à voir avec lui. Au final - il hésite, il remue, il tremble, il tremble - et il dirige le joint vers Dubois, timide.

❝ Euh... Z'en voulez ? ❞

Il essayait d'être poli, c'était mignon. C'était triste.

olivier

445 mots

Arrivée : 20/12/2020

Olivier écoute les excuses, écoute les explications.

il est un peu énervé, oui, mais c'est pour ça qu'il préfère ne rien dire, de peur de dire une connerie plus grosse que lui, une insulte un peu trop acerbe, ou qui tape un peu trop juste, et qui ferait partir Louie. il a peur qu'il s'enfonce encore plus dans les bois. il a peur qu'il trébuche dans une mare. il a peur qu'il reste là, gelé toute la nuit,
il a peur de ne pas réussir à le trouver une seconde fois.

heureusement, le gosse fait un truc qui le fait sincèrement sourire. ouais, ça l'amuse énormément, ce joint tendu vers lui, tellement qu'il le prend en riant doucement, quelques secondes.

ça ne serait pas son premier joint, mais il préférait rester à peu près lucide, au cas où le gamin tente un sprint dans les bois pour le semer.

j'ai un peu passé l'âge de me rouler des joints...

il sort de sa poche le cendrier de poche qu'il a toujours sur lui, une petite boite en métal qui sent le tabac froid quand on l'ouvre, et il écrase le joint dedans.

... et toi, t'as explosé ton forfait connerie de la semaine, je crois.

ce n'est même pas vraiment un reproche que fait Olivier.
il a été jeune, il sait ce que c'est, que de faire des conneries. il se dit que Louie a au moins la chance que ce ne soit pas ses parents qui l'ai trouvé, ni le prêtre, quoique le nouveau de la paroisse n'est pas aussi terrible que l'ancien.
rien que d'y penser, ça lui fait presque mal,

alors pour oublier tout ça, il sort une cigarette. il l'allume sans rien dire, avec seul le bruit du briquet pour remplir le vide entre eux deux, et tire les premières bouffées en prenant son temps. il n'est pas tant plongé dans ses réflexions que ça, il ne sait juste pas quoi dire à Louie. après tout, c'est pas son gamin, ils ne se connaissent pas vraiment, ils n'ont aucun lien, de parenté ou d'autre chose,
alors qu'est-ce qu'il est bien censé dire ?

il se sent con, mais il se retrouve malgré lui à imiter Louie, en ressortant son paquet de cigarettes et en le tendant vers lui.

... t'en veux une ? ... bon, le prêtre fera sûrement la gueule quand je le dirai dimanche, mais au moins tu sentiras peut être que la clope et je m'en sortirai avec tes parents en disant que c'est juste moi qui fume comme un pompier. ... j'ai vraiment pas envie de discuter des heures avec ces cons là, tu comprends.

la dernière phrase, Olivier pense à juste titre qu'elle n'était pas volée, mais il se rappelle juste après qu'il ne devrait peut être pas critiquer les parents de quelqu'un juste devant lui, surtout pour les traiter de cons finis. un peu tard, il essaye de se rattraper...

... heu, ils sont peut être ok, j'ai juste parlé à ta mère 15 minutes. enfin, elle m'a parlé 15 minutes.

... sans grand succès.

Arrivée : 20/12/2020

Quel forfait connerie, sérieusement. Louie est fait de connerie, c'est sa raison de vivre limite on dirait. On pourrait croire qu'il vit pour ses conneries, pour ses retournements, pour nager à contre-courant de ce qu'il se fait de bien. Si on en croit ses parents, il serait même né pour pouvoir foutre la merde, limite. Forcément, tout ça, ça l'avait atteint, si bien que désormais, il en était convaincu. Il était un fouteur de merde, qu'il le veuille ou non - et qu'il le veuille ou non, rien ne se passerait comme prévu pour lui, malgré tout les efforts qu'il pourrait faire.

Il repousse la mèche la plus longue qui entoure son visage derrière son oreille, et observe les pins autour d'eux en pinçant les lèvres. Quelle journée de merde. Et puis quel bled de merde. Il ne déteste pas St Cley. Il retrouve le St Cley de son enfance dans le soleil de l'après-midi sur sa peau, et dans le bruit des voitures au loin au beau milieu de la nuit, quand il ferme juste ses volets mais qu'il laisse la fenêtre de sa chambre ouverte. Il le retrouve dans les yeux onyx d'Andreas et dans sa timidité, il le retrouve dans les manières brusques et bourrues d'Olivier. Parfois même, s'il a de la chance, il le retrouve dans un mot maladroit de son père, qui essaie d'être gentil.

Mais bien trop souvent il voit le St Cley qui le dégoûte, avec ses vieux harpies et fouines, avec Sophie et ses rires affreux et ses yeux inquisiteurs, avec sa mère et ses paroles insensibles. Louie soupire. Il veut partir. Où ? Franchement, il ne sait pas trop. Il en a plus que marre. Il aimerait disparaître, là, maintenant, tout de suite. Ses yeux se posent sur le paquet de clopes que le garde forestier lui tend - et il relève la tête vers lui, le regardant comme si un bras lui était poussé sur la tempe, honnêtement. Il l'écoute parler avec attention, prenant une cigarette sans se faire prier alors qu'Olivier essaie de se rattraper alors qu'il vient peut-être d'insulter ses parents.

❝ Non mais, vous inquiétez pas. Je les hais de toutes façons. ❞

Il s'en veut, de dire ça, c'est vrai. Mais... Mais il en a marre. Et d'un côté, il ne veut pas passer pour un môme en pleine crise d'adolescence.

❝ J'suis désolé. Pour ma mère. Faut croire qu'elle s'inquiète. ❞

Il rit, mais c'est amer.

❝ Après tout, imaginez si je redeviens pas normal. Qu'est-ce qu'elle va faire, hein. ❞

olivier

449 mots

Arrivée : 20/12/2020

c'est pas la joie, ici. pas pour ces deux couillons assis dans leur fossé.

mais Olivier ne peut s'empêcher de sourire, en voyant l'air étonné de Louie quand il lui propose une cigarette. ouais tous les adultes sont pas cons, mon gars. enfin, pas complètement. une fois le paquet rangé dans ses trop nombreuses poches, il en tire son briquet et le prête au p'tiot. il attend qu'il allume sa clope avant de tendre la main, signifiant qu'il souhaite récupérer son briquet sans trop attendre. il s'est assez fait voler son briquet dans sa jeunesse, et il a maintenant appris de ses erreurs.

il tire une bouffée de sa propre cigarette,
puis une autre,
il ne dit rien et écoute.

il s'en veut un peu de traiter des adultes qui n'ont rien demandé de cons, mais il pense vraiment que la famille Dzemael l'a bien cherché, et à écouter le gamin, il n'a pas si tord que ça. oui, c'est un peu une belle bande de cons, surtout... surtout la mère, même s'il ne préfère pas trop y penser.

il ne dit rien, pourtant, fixe la végétation devant,
et écoute,
ce rire un peu amer,
cette voix un peu triste,
et l'inquiétude qui se cache derrière cette envie morose d'être "normal".

Olivier continue de fixer devant lui, peut être par peur d'empiéter trop sur la vie de Louie, par pudeur. il regarde les arbres devant lui, se demande s'il faudra les abattre bientôt ou pas car l'un d'eux semble en train de mourir.

mais il faut dire quelque chose, et quoi ? le garde forestier soupire, commence par le plus facile,

t'excuse pas, c'est pas vraiment ta faute, si elle est conne.

mais il sait que ce n'était pas cette phrase là qui demandait une réponse. c'est dur, de dire quelque chose de satisfaisant, de ne pas juste balayer les craintes du jeunot. car il les a connues, ces inquiétudes là, combien de nuits a-t-il fixé le plafond, en se disant qu'il serait toujours juste une déception de plus pour ses parents ?
beaucoup trop.

même maintenant, le jour, il y pense parfois, quand il n'est pas dehors dans la forêt, quand il doit rester assis à son bureau comme un con, et heureusement, oui heureusement qu'il a une excuse pour ne plus répondre à ses mails grâce à la panne d'internet.

qu'est-ce qu'elle va faire ?

Olivier ose enfin tourner la tête et regarder Louie dans les yeux en haussant les épaules.

ben, comme d'habitude, et ça lui fera pas de deuxième trou de balle, crois moi. je les ai déçus toute ma vie, mes parents, et s'ils étaient encore là, ben, je le ferai encore, et alors ? même si j'avais essayé de ne pas les décevoir, j'aurais mal fait, alors autant le faire pour de vrai.

oui.
quitte à décevoir, autant le faire vraiment.
quitte à être insupportable, autant l'être vraiment, autant se faire détester par toute la ville,
c'est ce que pense Olivier.

Arrivée : 20/12/2020

Louie n'est pas sûr d'être rassuré ; mais il apprécie l'effort, il apprécie que quelqu'un prenne le temps de lui expliquer, de le rassurer, même si c'est maladroit, il aime bien. Oh, ça n'enlève pas l'envie de pleurer.

❝ Je crois que c'est même pas pour eux que je m'inquiète, au final. Putain. ❞

Il ramène ses genoux contre son torse, tire une latte tremblante sur sa clope, essaie d'en profiter au maximum, comme si ça pouvait le faire aller mieux d'un coup, comme s'il allait arrêter d'avoir tellement envie de vivre qu'il pourrait mourir là, juste maintenant. Putain, il aimerait disparaître, mais après tout ce qu'il a fait pour vivre, après tout le temps qu'il a passé à se battre pour rester en vie, ce serait juste dommage.

❝ J'ai l'impression d'avoir ruiné ma putain de vie. Et pas que, c'est ça le pire. T'façons, ma mère a dû vous en parler. Elle adore en parler à tout le monde. J'ai ruiné la vie de ma meilleure amie. ❞

Qu'est-ce qu'elle en penserait, elle ? Elle peut plus marcher. C'est sa faute. Il aimerait bien pouvoir rejeter la faute, mais franchement - c'est lui qui conduisait. C'est lui qui a pris la mauvaise décision - et quand il revoit ses jambes, lacérées, quand il voit les cicatrices qui serpentent, les bleus qui ont du mal à partir, les taches et les hématomes, il imagine à quoi les siennes doivent ressembler, et il a envie de vomir.

❝ Je m'en veux tellement. Putain, je suis une merde. Si seulement... Si seulement j'avais pas été aussi con. J'me suis pris pour quoi, sérieux. Je me suis cru au dessus de tout, comme un gros con, et je sais même pas pourquoi je m'en suis sorti, sérieusement. J'aurais pas dû... J'aurais pas dû vivre. ❞

Il s'arrête soudainement - les larmes aux yeux, pince les lèvres pour s'empêcher d'en dire plus, il relève les yeux vers Olivier.

❝ Désolé. Je voulais pas... Je devrais pas me plaindre. ❞

olivier

360 mots

Arrivée : 20/12/2020

Olivier regarde Louie se démonter, se défaire, petits bouts par petits bouts, devant lui, disparaitre un peu plus à chaque mot,
et c'est un spectacle insoutenable.

il voit le gamin se recroqueviller, essayer de se fondre dans les feuilles mortes, comme s'il voulait vraiment ne plus partir de ce fossé et finir sa vie là, juste ici, alors que putain, il a quoi, 20 ans ?
et il se dit que c'est injuste, la vie, si des vieux cons comme lui arrivent à se lever chaque matin en ignorant tous leurs remords, mais qu'un gosse comme ça n'en peut déjà plus.
c'est pas normal.
ça va pas.

cette fois, il ne s'est pas tourné vers les arbres,
cette fois il n'a pas lâché Louie du regard, car il n'y arrive pas, et il s'embrouille trop dans ses pensées, il a les boyaux trop tordus dans tous les sens pour penser à quoi que ce soit, et ne peut que regarder cette scène insupportable.

Olivier sait, il sait, que ce n'est pas ce qui est passé par la tête de son père,
il en est sûr,
et pourtant il pense à lui, et ça lui donne envie de vomir.

mais il ne se lève pas, il ne va pas s'appuyer contre un arbre pour vider son estomac. il ne s'enfuit pas, comme ses jambes le supplient de faire, il ne se lève pas comme il voudrait, il ne s'isole pas, même si son cœur le supplie de le faire, car ça fait mal de voir ça,
ça fait mal de s'inquiéter autant pour quelqu'un.

Olivier se protège si bien qu'il n'a pas l'habitude d'avoir mal à cause de quelqu'un,
il ne sait pas quoi faire,
et réagit comme n'importe quel animal blessé,
il s'énerve.

ta gueule.

c'est froid, c'est sec, c'est abrupt,
mais s'il te plait,
Louie, tais toi,
il ne peut pas supporter d'entendre un mot de plus.

il se rapproche encore un peu plus, sent le corps tremblant et faible à côté du sien, et jette brusquement son bras par dessus les épaules du gamin en se racontant que c'est juste pour qu'il ne s'enfuie pas à nouveau,
mensonge peu convaincant.

il regarde encore Louie, durement, car il ne sait plus regarder tendrement quelqu'un, s'il a jamais su un jour.
et il serre,
il serre,
il serre Louie contre lui,
car tu n'as pas le droit de dire ça, non, s'il te plait.

dis pas ça, putain ! si t'es en vie, t'es en vie, merde, c'est que c'était comme ça et pas autrement, et t'as pas le choix, et c'est tout, tu te démerdes comme tu peux pour vivre comme tout le monde, et oui, je sais, c'est dur, et c'est nul, et c'est chiant, et non, je sais pas, en fait, car j'ai pas vécu les mêmes trucs, mais c'est mieux que l'autre alternative, crois moi, c'est mieux cette merde là que rien du tout !

Arrivée : 20/12/2020

Franchement - Olivier fait n'importe quoi. Et le pire dans tout ça ? Ben le pire dans tout ça, c'est que ça marche. Ca marche du feu de Dieu, même, ça marche bien. Son coeur est lourd, et il s'accroche, il s'accroche au plus vieux comme s'il avait peur que le fossé s'ouvre sous lui et qu'on l'entraîne dans les abysses. Et il pleure, bon sang comme il pleure ! Ses sanglots font écho dans le silence de la forêt, et quelques minutes s'écoulent, jusqu'à ce qu'il se calme, et qu'il se taise, toujours serré contre Olivier, son visage caché contre son épaule.

Et Louie se répète les mots d'Olivier, comme un mantra, il essaie de les graver dans sa mémoire pour ne jamais plus les oublier, parce qu'il veut croire ce qu'il lui dit, il veut croire que ces mots-là sont la vérité pure.

Les minutes s'écoulent, elles sont lentes, lourdes, éprouvantes. Il s'en veut d'avoir craqué à ce point, et en même temps il refuse de lâcher Olivier, il s'est blotti contre lui, impossible de se reculer, ça fait si longtemps que plus personne n'a pris la peine de l'étreindre, plus personne ne s'est donné la peine de le prendre dans leur bras, même ses parents n'y ont pas pensé, après tout il allait bien -

Il renifle un peu, c'est pas très classe, mais en même temps il est épuisé. La bruine commence à tomber, comme pour leur dire qu'ils ont plus le temps, qu'il faudrait penser à dégager du fossé maintenant. La pause est finie, c'est bon, on retourne à nos vies et on en parle plus. Mais Louie reste, immobile, retenant plus de sanglots, plus de larmes encore. Il ne trouve plus les mots, de toutes façons qu'est-ce qu'il y a de plus à dire, désormais ? C'était le ta gueule le plus thérapeutique qu'on lui ai jamais adressé.

olivier

342 mots

Arrivée : 20/12/2020

Olivier ne sait pas vraiment ce qu'il fait, encore moins ce qu'il devrait faire. il n'a aucune idée de ce qui se passe vraiment dans la tête de ce gamin, ni dans la sienne, alors il le laisse s'accrocher, et l'étreint un peu plus, comme si ça pourrait répondre aux questions qu'il se pose.

il serre un peu plus car entendre les sanglots de Louie lui brise le cœur,
il le serre contre lui en espérant qu'il tremble un peu moins,
en espérant que ça aille mieux.

de sa main libre, il laisse sa cigarette se consumer sans même penser à en profiter, car il n'arrive plus à penser à rien d'autre que la forme frêle blottie contre lui.

pourtant ce n'est plus un gamin, il doit même faire sa taille, mais il semble prêt à se casser en mille morceaux, alors Olivier le serre contre lui en espérant qu'il puisse rassembler tous les morceaux de Louie s'il se brise quand même. il ne voit plus que le sommet de son crâne, et le fixe trop durement car il ne sait pas faire autrement.

mais il commence de pleuvoir, putain de sa mère, putain, fais chier, putain.

Olivier n'a pas envie de partir.

il sait déjà ce qu'il faut faire, il voit déjà les étapes.
lâcher le gamin, déjà, devoir s'éloigner, rien que ça, c'est encore un peu trop dur.
se relever, et s'épousseter, essayer d'enlever les traces de terre et les quelques feuilles mortes collées à son pantalon,
faire comme si de rien n'était,
c'est ça, le plus dur, en fait, faire comme si ça allait, comme si ça allait aller pour le gamin.

il n'a pas envie,
mais ils n'ont plus tout à fait le choix.

bon...

pas de bonne manière de le faire.
donc autant retirer le pansement d'un coup, car on aura mal même si on prend son temps.

on bouge, ou on tue le chien ?

Arrivée : 20/12/2020

C'est dur. Et son coeur est lourd, et Louie est soudainement épuisé, franchement, et puis ça fait longtemps qu'il est recroquevillé dans son fossé, il sent ses jambes, elles lui font mal - ce n'est pas une douleur aiguë, c'est juste une douleur qui est là, qui le tend, qui tire un peu plus sur ses larmes. Mais Olivier a raison, il faut qu'ils se bougent, qu'ils se mettent à l'abri de la pluie qui va sûrement s'intensifier.

Alors Louie hoche la tête et se redresse difficilement, s'appuyant sur la terre et vaguement sur Olivier après, il renifle encore un peu, et il a mal à la tête et l'estomac en vrac et les pensées emmêlées et les jambes en compote -

Et puis il soupire, un petit peu, un tout petit peu, en fait c'est plus une grosse expiration qu'un soupir, vraiment, et il n'ose pas croiser le regard d'Olivier alors qu'il demande, de la plus petite voix possible -

❝ Je veux pas rentrer... J'peux venir avec vous ? ❞

Il a peur qu'Olivier n'accepte pas, il a peur d'avoir dit une connerie, mais il a les yeux qui piquent et rien que d'imaginer son père se foutre de sa pomme parce qu'il a pleuré, et parce qu'un bonhomme, c'est pas censé pleurer, mais sérieux - Louie est tout sauf un bonhomme, à la limite c'est un p'tit gars, mais rien de bien plus. Il se dit qu'au pire, si Dubois refuse, il pourra toujours aller chez Andreas, mais c'est la même chose, est-ce que son oncle et sa tante vont pas le regarder chelou ? Ou pire, dire à sa mère où il est, et cette conne elle va se ramener et l'engueuler, et putain.

❝ S'vous plaît. Je... J'vous emmerderai pas. ❞

olivier

317 mots

Arrivée : 20/12/2020

comme Olivier l'avait prédit, c'est dur, de se lever, de sentir Louie se raccrocher à lui, et de ne pas pouvoir le serrer une seconde fois contre lui. il pourrait, techniquement, il suffirait de faire un demi-pas, rien, si peu, et lever à nouveau les bras pour l'étreindre un peu trop fort, un peu trop brusquement,
il pourrait,
mais ça ne se fait pas.
alors il y pense, mais ne fait rien.

pour une fois, il se sent patient, et attends sans faire de remarques que Louie se remette, qu'il soit prêt à affronter le reste de sa vie, ou au moins la fin de sa journée,
il attends sagement, sans une remarque, sans un mot. il a pourtant envie de se presser, d'en finir vite, pour rentrer et oublier toute la journée, enfoncer ça au plus profond de son cerveau et son cœur pour ne plus avoir à penser à la douleur qui lui tord les tripes en voyant les yeux rouges de Louie et les larmes qui sèchent sur ses joues. mais juste pour lui, il reste, par peur que de nouvelles larmes coulent à nouveau, ce qu'il ne se pardonnerait pas.

occupé à se retenir de déguerpir,

« j'peux venir avec vous ? ... s'vous plait... »

Olivier est persuadé que son cœur s'arrête de battre à cet instant précis,
en entendant cette petite voix qui le supplie.

comment refuser ?
impossible.
alors,

ok.

il soupire, il sait qu'il aura des emmerdes, mais il en a déjà assez comme ça, alors un peu plus, si ça veut dire que le gamin pourra avoir l'air juste un peu moins triste,
c'est déjà ça.

et tant pis si sa conne de mère l'accuse de kidnapping.

ok. bon, suis moi, le 4x4 doit être garé à 15 minutes, tu peux marcher jusque là ?

Arrivée : 20/12/2020

Ouais, ouais... Tranquille.

De toutes façons, il n'a pas le choix. Il n'a pas envie de faire subir à Olivier le supplice de le porter jusqu'à la voiture. Et puis il est un grand garçon, et puis c'est bon, il souffre depuis son réveil, il peut bien supporter encore quinze minutes de marche sous la pluie, dans la gadoue. Alors ils marchent. Et ils marchent. Et il soupire, et il se dit qu'il pourrait parler, dire quelque chose, n'importe quoi. Mais les mots ne viennent pas, ou alors si, justement, ils viennent, il a plein de choses à dire à Olivier, plein de remerciements et pleins d'angoisses à partager, mais il se dit que Dubois ne mérite pas ça, qu'il en a sûrement déjà marre de lui. Alors il ne dit rien - se ravise, puis se ravise encore, puis hésite, puis se tait.

Et au final, la voiture est là. Louie a un moment d'arrêt, d'hésitation - est-ce qu'il ne devrait pas rentrer simplement à la maison, comme le bon gamin qu'il est, et arrêter ses bêtises ? Arrêter ses caprices ? Mais, non. Il ne sait pas ce qu'il serait capable de faire, une fois arrivé dans sa chambre, une fois tout seul avec son mouron.

Alors il grimpe dans le 4x4.

olivier

224 mots

they found something awful in the woods

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