forsaken ♡ olivier

Les enfants couraient dans tous les sens, riant, jouant, se jetant de la boue ou des feuilles mortes. Il faisait frais, humide, mais dès le matin tu savais à quoi t'attendre. Un vendredi comme celui-ci était de ceux où il faut se réjouir : une sortie scolaire. Ça aurait dû te ravir, comme ça le faisait habituellement. Après tout, l'école ne t'autorisait à sortir les enfants qu'une fois tous les mois, et encore, mais le cœur n'y était pas, quand bien même tu t'étais battu bec et ongle pour avoir droit à cette sortie. Le cœur n'y était plus, finalement.

C'était terrible de les regarder, comme ça, et de ne rien ressentir, de n'avoir l'impression que d'un énorme vide en toi, quand habituellement tu étais comblé par leurs rires, leurs petits cris et leurs disputes, bien sûr. Ils ne connaissaient rien encore à la vie mais ils avaient toute ta tendresse. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui tu ne t'étais sans doute pas levé du bon pied, tu n'avais sans doute pas bu le bon thé, tu n'avais sans doute pas choisi la bonne pince pour tes cheveux, quand bien même tu choisissais toujours la pince en argent avec une feuille de chêne dessus, ta préférée. Bien sûr, tu n'avais pas pu annuler la sortie au dernier moment, ça aurait été terrible pour eux, ils ne t'auraient juste jamais plus fait confiance.

Heureusement - ou malheureusement, qui sait ? - tu n'étais pas seul aujourd'hui. Bien sûr, pendant toutes les sorties en extérieur, tu avais des accompagnants. Et évidemment, vu que les parents n'étaient plus d'accord pour perdre leur temps à s'occuper de leurs enfants, il fallait trouver quelqu'un d'autre. Aujourd'hui - comme les trois dernières sorties - c'était M. Dubois qui vous accompagnait, un employé de l'ONF. Tu ne savais toujours pas son prénom, et il ne savait pas le tien, et tu n'osais tout simplement pas demander.

Le petit Timothé était en train de jouer un peu trop près du lac, il venait de l'attraper par le col façon maman chat pour le ramener à toi, et inévitablement ça t'avait fait un peu sourire, alors que le gamin repartait jouer avec les autres enfants - alors qu'ils étaient soi-disant en plein atelier de recherche pour leur herbier, en vrai ils jouaient avec la boue quoi.

« Désolé, ils sont particulièrement indisciplinés ce matin...

Petit rire gêné, tu détailles M.Dubois quelques instants avant de détourner les yeux sur l'eau trouble du lac, songeur.